À l’institut de l’Océan, la pluridisciplinarité au cœur de la recherche marine

[Interview] – L’institut de l’Océan, plus grande université de recherche marine d’Europe, regroupe 1 500 enseignants, chercheurs, ingénieurs ou techniciens issus de l’un des trente laboratoires de lAlliance Sorbonne Université. Son directeur, Christophe Prazuck, veut créer des synergies entre les différentes spécialités des sciences océaniques grâce à des groupes de travail pluridisciplinaires.

Vous voulez devenir océanographe mais vous cherchez une formation ? Océans connectés donne la parole aux directeurs d’établissements proposant des cursus dans les sciences de la mer. Pour le deuxième épisode de cette série, on donne la parole à l’amiral Christophe Prazuck, directeur de l’Institut de l’Océan de lAlliance Sorbonne Université et ancien chef d’État-major de la Marine nationale.

 

L’Institut de lOcéan de lAlliance Sorbonne Université est la plus grande université de recherche marine d’Europe. Comment ce nouvel institut est-il né ?

Il est né par imitation d’autres instituts qui existe déjà au sein de Sorbonne Université. Nous avons par exemple un institut sur l’intelligence artificielle, un autre sur la science des matériaux, un institut sur la transition environnementale, etc. Le rôle de tous ces établissements est de promouvoir des approches pluridisciplinaires et d’animer des communautés. L’Institut de l’Océan compte 1 500 chercheurs, enseignants, personnel administratif, ingénieurs, techniciens, répartis dans les trente laboratoires. Nous restons une structure d’animation, on ne peut pas intégrer directement l’Institut mais on peut rejoindre l’un des différents cursus proposés par Sorbonne Université.

Quelles sont les formations proposées par Sorbonne Université dans les sciences de la mer ?

Nous proposons plusieurs licences ; Sciences de la Terre, Sciences de la vie, informatique ou encore une licence professionnelle de bio-industries et de biotechnologies marines. En master, nous avons entre autres une formation en Sciences de la Terre et des planètes, environnement ; un master Sciences de l’océan, de l’atmosphère et du climat ou encore le master Sciences de la mer, axé autour de la biologie marine. Ces formations attirent beaucoup d’étudiants, ils sont nombreux à se poser des questions et à vouloir agir en faveur de l’environnement. Il y a chez ces étudiants un intérêt pour la mer, qui se transforme bien souvent en un engagement citoyen.

Études de la biologie marine à la Station Marine de Roscoff © Sorbonne Université – LArdhuin

L’une des particularités de l’Institut de l’Océan est de mettre l’accent sur la pluridisciplinarité. Pourquoi ?

Notre objectif n’est pas de se substituer aux autres instituts de l’Alliance Sorbonne Université mais plutôt de créer des liens entre les différentes disciplines et une synergie entre les laboratoires. On essaye aussi dinclure le monde maritime au sein de ces communautés. On a constitué plusieurs groupes de travail sur l’éolien en mer, les plastiques, les phénomènes extrêmes dans les zones côtières ou sur les aquariums. On rassemble des chercheurs dont le métier est d’avoir les pieds dans l’eau mais qui ont tous une spécialité différente. Par exemple, le groupe de travail qui s’intéresse aux plastiques inclut des endocrinologues, des biologistes marins, des spécialistes de la décomposition du plastique dans l’océan, des toxicologues.

Les écoles d’été permettent-elles aussi de promouvoir cette interdisciplinarité ?

Notre but est de multiplier les rencontres et de favoriser les échanges autour d’une thématique pour engendrer des collaborations de longues durées. Ces moments permettent de croiser les regards et les compétences. Les sujets importants sont toujours pluridisciplinaires, les questions sérieuses ne se satisfont pas de réponses monocolores.

Nous avons organisé des écoles d’été sur l’intelligence artificielle et la biologie marine ou sur l’histoire maritime et l’intelligence artificielle. Des écoles d’été sont aussi proposées dans nos différentes stations marines, à Roscoff, Concarneau, Banyuls-sur-Mer, Villefranche sur Mer…

 

Station marine de Villefranche_sur_Mer © Sorbonne Université – LArdhuin

L’École Navale et la Marine nationale ont également été associées à la création de l’Institut. Pourquoi ce partenariat entre le monde militaire et le monde scientifique ?

On souhaite développer un axe autour de la géopolitique des océans, l’école navale semble être un partenariat intéressant, on travaille aussi avec eux dans le domaine de l’histoire maritime. La mission Bougainville est un exemple de cette collaboration entre l’Institut et la Marine nationale. Elle consiste à embarquer sur deux bateaux de la Marine, l’un basé à La Réunion et l’autre en Nouvelle-Calédonie, une dizaine d’étudiants pour une mission dobservation du microbiome océanique. Durant deux ans, ces étudiants de Sorbonne Université déploieront des capteurs « frugaux », facilement transportables et à bas coût pour observer le plancton océanique. Cette mission inédite car plutôt que de mettre ces capteurs sur des bateaux scientifiques, nous menons cette mission sur un navire de la Marine, un navire d’opportunité.

L’avenir de la recherche océanique repose-t-il selon vous sur l’usage de ces bateaux d’opportunité qui permettent d’économiser des moyens humains et financiers ?

Ça ne remplacera pas les expéditions scientifiques en mer. La preuve, la constatation initiale de la richesse de ce microbiome océanique vient de la Fondation Tara ; mais pour multiplier les observations, on ne pourra pas compter seulement sur les satellites, qui offrent une vision de la surface, ou sur les bateaux de recherches scientifiques du fait du coût des expéditions en mer. L’utilisation des bateaux d’opportunité —des voiliers, cargos, bateaux de pêche, transport maritime— pourrait apporter des observations répétées à une plus grande échelle.