PIRATA : l’océan Atlantique tropical sous haute surveillance

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Alors que la 33ème campagne française en son nom est en cours, le programme international PIRATA permet sans interruption la collecte de données océaniques et atmosphériques dans un océan Atlantique tropical stratégique. En effet, les interactions air-mer y sont fortes et souvent imprévisibles, avec parfois des conséquences désastreuses pour les populations locales. La surveillance sur le long-terme est la clé pour aboutir à une meilleure prévision des changements météorologiques et océaniques et des évènements extrêmes.

Un réseau international pour une surveillance opérationnelle

Les interactions air-mer ont un impact important sur la variabilité météorologique à court-terme, et sur celle du climat à plus long-terme. Elles sont essentielles à connaître pour mieux prévoir les changements météorologiques et océaniques et les évènements extrêmes. Dans l’océan Atlantique tropical en particulier, ces interactions sont fortes et peuvent avoir des conséquences parfois catastrophiques sur l’environnement comme sur les populations : sécheresses, inondations, vagues de chaleur marines, violentes tempêtes tropicales, ouragans, présence ou non de ressources marines etc…

C’est pourquoi en 1997, est né le programme d’océanographie opérationnelle PIRATA – pour « Prediction and Research Moored Array in the Tropical Atlantic », ou « réseau fixe de prévision et de recherche dans l’Atlantique tropical ». Placé sous l’égide du programme international CLIVAR (Climate Variability and predictability) et réalisé dans le cadre d’une coopération multinationale (France, Brésil et USA), PIRATA est un observatoire entièrement dédié à l’étude des interactions océan-atmosphère dans l’Atlantique Tropical, et à leur rôle dans la variabilité climatique régionale à des échelles saisonnières, interannuelles ou décennales.

Grâce à PIRATA, un réseau multinational de bouées météo-océaniques a été mis en place, servant de colonne vertébrale pour l’observation de l’Atlantique tropical. Ces bouées sont remplacées tous les ans, et trois mouillages courantométriques, remplacés tous les deux ans, complètent le réseau le long de l’équateur. La collecte d’une multitude de données météo-océaniques faite de manière continue permet d’approfondir les connaissances scientifiques sur le lien entre l’océan et les variabilités climatiques dans une région clé pour la régulation thermique de la planète, tant son rôle dans la redistribution de la chaleur de l’équateur aux pôles est fondamental.

Des objectifs scientifiques et des moyens

Le réseau PIRATA compte dix-huit mouillages fixes, dont six d’entre eux sont maintenus par la France dans la partie centrale et est du bassin du côté du Golfe de Guinée.

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Localisation des bouées des campagnes PIRATA. © PIRATA-IRD

Chaque mouillage est équipé d’une bouée, permettant des observations océaniques (température et salinité entre la surface et 500m de profondeur, courant superficiel en certains sites) et météorologiques (vent, humidité relative, température de l’air, pluviométrie, radiation incidente à la surface de l’océan), reliée au fond de l’océan à un lest de 2 à 3 tonnes. Ces données, acquises et transmises quotidiennement par satellite, permettent de suivre et de comprendre l’évolution de la structure thermique superficielle, les transferts entre l’océan et l’atmosphère de chaleur et d’eau douce, les variations spatiales et temporelles des courants. Les échanges de CO2 entre l’océan et l’atmosphère sont également estimés.

En complément, trois mouillages courantométriques sont installés le long de l’équateur et immergés pour deux ans, afin de permettre la mesure en continu des courants très importants à l’équateur (notamment le sous-courant équatorial).

La maintenance de l’observatoire PIRATA nécessite d’organiser une campagne océanographique par an. Ainsi, 32 campagnes ont été réalisées par la France de 1997 à 2022, soit plus de 800 jours de mer. On compte également 21 campagnes pour le Brésil et 17 pour les Etats-Unis qui n’ont commencé qu’en 2005. Chaque campagne PIRATA dure environ quarante jours, embarquant une équipe scientifique pluridisciplinaire composée de chercheurs, ingénieurs, et techniciens chargés d’assurer la maintenance du réseau, et notamment le remplacement des mouillages et le changement des capteurs électroniques qui les équipent.

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Une bouée PIRATA en maintenance. © Margaux Brandon

En complément de ces mesures fixes obtenues grâce aux mouillages, des mesures complémentaires sont effectuées le long du trajet du navire. La réalisation de profils hydrologiques, le déploiement de bouées dérivantes et de profileurs autonomes ARGO, le remplacement de récepteurs dédiés au suivi de mammifères marins préalablement bagués, le prélèvement d’échantillons d’eau de mer, d’algues (les Sargasses), de crustacés présents sur les bouées ou de morceaux de thons (quand ils sont péchés) contribuent ainsi au système global d’observation des océans. Des analyses ultérieures sur les échantillons prélevés apporteront de précieuses informations sur de nombreux paramètres physico-chimiques et biogéochimiques (oxygène dissous, salinité, pH, sels nutritifs, pigments chlorophylliens, paramètres du carbone, teneur en mercure etc.).

Des résultats internationaux pour des perspectives à long terme

PIRATA complète très utilement les données collectées par satellites. Il permet d’affiner les prévisions météorologiques et d’ajuster les modèles climatiques océaniques voire biologiques élaborés dans les laboratoires. C’est ainsi que chaque année depuis 20 ans, Mercator Océan fournit tous les jours des cartes de prévision (courant, température, salinité) dans cette région de l’Atlantique tropical. Ces cartes, qui arrivent directement à bord des campagnes PIRATA, sont disponibles dès 2h GMT pour trois échéances (l’analyse du jour et les prévisions sur les deux jours suivants), et obtenues grâce au modèle numérique global de prévision quotidienne de Mercator avec une résolution de l’ordre de 8km à l’équateur.

PIRATA est reconnu au niveau international comme un observatoire de référence pour l’obtention de mesures météo-océaniques nécessaires aux études des processus climatiques dans l’Atlantique Tropical. Onze universités et organisations internationales ont utilisé les mouillages et les expéditions PIRATA pour déployer des instruments scientifiques et acquérir des mesures particulières.

Le réseau d’observations PIRATA est devenu un réseau structurant en Atlantique Tropical pour la prévision climatique et la recherche, notamment dans le cadre de programmes Européens. PIRATA contribue à OceanSITES et est une des composantes majeures du Tropical Atlantic Observing System (TAOS). A l’échelle nationale, PIRATA est labellisé « observatoire national » depuis 2001 et sa labellisation en tant que « Service National d’Observations -SNO- Océan-Atmosphère », essentiellement soutenu par l’IRD et Météo-France, a été reconduite pour la période 2020-2024.

 

Le site officiel PIRATA : https://www.pmel.noaa.gov/gtmba/pmel-theme/atlantic-ocean-pirata

Lien vers notre article IMAGO : https://oceansconnectes.org/imago-sonde-les-oceans/

Lien vers notre article sur les mouillages : https://oceansconnectes.org/reseau-observations-meteo-oceaniques-pirata/

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