Océanolab, un laboratoire immersif pour montrer la science en train de se faire

15/12/2023

6 minutes

Pour tout le monde

océans et nous

A Brest, Océanopolis a accueilli une première résidence scientifique en 2023, dans ce labo inédit et ouvert. Il partage avec le public questionnements et observations en temps réel d’un programme de recherche fiable en écologie marine.

par Marguerite Castel

 Comment l’huître plate résiste-t-elle aux effets conjugués de la hausse de température, de l’acidification et de la pollution plastique redoutés à l’horizon 2100 ? Quels sont les effets de ces variations sur sa croissance, sur sa reproduction ? Le programme MicroCO2sme (1) vient de livrer les résultats préliminaires de son observation sur cette espèce native des côtes européennes. Une première expérimentation menée en public durant sept mois en 2023 à Océanolab. Ce laboratoire ouvert dédié aux sciences marines, implanté à Océanopolis, à Brest, est totalement inédit car il se visite ! Une équipe de quatre chercheurs du laboratoire des sciences de l’environnement marin (UBO, CNRS, IRD, Ifremer) a ainsi montré la science en train de se faire. Cette expérience immersive pour diffuser la culture scientifique est innovante, et plutôt convaincante car elle a déjà séduit 22 000 visiteurs ! Un second programme débutera en février 2024 pour étudier l’acclimatation des ormeaux.

Lever de rideau sur un laboratoire d’un genre nouveau : Océanolab. En apparence, il est comme ceux des universités ou des instituts de recherche. Du matériel sèche sur des paillasses, des longueurs de tuyaux, des charriots, des microscopes etc. Sur la gauche, quatre bassins en triplicat sont alignés, un parfum d’iode vous plonge dans l’écologie marine. Dans cet espace de 160 m2, aménagé à Océanopolis, un programme de recherche vient de s’achever autour du premier cobaye, l’huître plate.

Dans cet espace de 160 m2 aménagé à Océanopolis, un programme de recherche vient de s’achever autour du premier cobaye, l’huître plate. Ce laboratoire ouvert partage avec le public la science en train de se faire. © Océanolab

L’huître plate soumise à trois pressions durant sept mois

Quatre chercheurs (2) de l’Ifremer et du CNRS y ont observé cette espèce et la biodiversité associée durant sept mois, reconstituant son habitat en aquarium et la soumettant à différentes conditions environnementales, provoquées par les changements globaux. Prélevées en rade de Brest, les huîtres sont ici exposées à trois facteurs de stress océanique majeurs : augmentation de la température (+2 degrés), acidification de l’eau de mer (- 0,3 unités de PH), présence de micro-plastiques (multipliée par 50) selon des scénarios régionaux (projection 2100 du Giec). Un bassin pour chaque pression et un quatrième qui combine les trois.

L’huître plate est une espèce indigène des côtes européennes (Ostrea edulis). Elle a été choisie parce qu’elle est en déclin et qu’elle est ingénieure ; c’est-à-dire qu’elle a la capacité de construire des récifs calcaires qui deviennent des habitats, des substrats de fixation, des zones de nurserie ou d’alimentation pour de nombreux invertébrés et poissons dans les environnements côtiers. Les récifs d’huîtres ont un rôle écologique clé dans le maintien de la biodiversité et fournissent des services à l’écosystème (pêche, protection du littoral).

Comment l’huître et ses communautés associées sont-elles affectées par les perturbations ?   Les résultats préliminaires montrent une bonne résistance globale de l’espèce aux pressions mais révèlent des impacts sur sa croissance et sa reproduction. « Les huitres évoluant dans une eau plus chaude ont une croissance plus forte, notamment avant l’été. En conditions de stress cumulées, elles pondent un mois plus tôt qu’en conditions normales », indique Emilien Pousse, post-doctorant à l’Ifremer et coordinateur de MicroCO2sme.

Ces premières observations seront consolidées par des analyses à l’échelle des cellules et des molécules pour savoir, par exemple, si l’expression des gènes impliqués dans la reproduction a été impactée.

Médiation scientifique militante

Au-delà de faire la lumière sur un programme de recherche fiable et pertinent dans le contexte de crise planétaire (érosion de la biodiversité, pollutions, changement climatique), Océanolab c’est aussi et surtout une démarche de médiation proactive, voire « militante ». Elle s’inscrit dans une relation science-société durable, sous une forme ouverte inédite. « Océanolab répond à deux fonctions : la recherche et la culture scientifique. La question de recherche posée est claire et compréhensible. Le public est témoin de l’expérimentation et peut dialoguer avec les chercheurs sur leur lieu de travail, à des moments précis. Il suit une histoire concrète, réelle », explique Céline Liret, directrice scientifique d’Océanopolis, précisant que l’équipe de recherche a été choisie aussi pour son envie de lier avec le public.

Dessin illustrant le principe de fonctionnement de cette nouvelle infrastructure d’Océanolab © Océanolab

Céline Liret porte ce projet comme un combat depuis 10 ans avec l’Université de Bretagne occidentale et l’Institut universitaire européen de la mer. « Dans un contexte de désinformation scientifique, d’émergence de la science vite faite et vite répandue sur les réseaux sociaux, nous avons souhaité montrer la science en train de se faire en vrai, partager au jour le jour hypothèses, questionnements et méthodes et aussi résultats, succès, échecs et doutes », souligne Yves-Marie-Paulet, son complice, professeur en écologie, biologie des organismes, à l’IUEM-UBO.

L’accès du plus grand nombre à la recherche scientifique sur l’océan ne serait donc pas un vœu pieu. Depuis mars 2023, 22 000 visiteurs ont pris part aux travaux et aux médiations d’Océanolab. Une fréquentation qui encourage à mener plus loin cette initiative de culture scientifique pour contrer la perte de confiance et restaurer l’esprit critique du public.

Rendez-vous dès février 2024 pour le programme n°2 afin d’observer l’acclimatation de l’ormeau européen aux variations environnementales abiotiques (PH température) et biotiques (interaction avec les macroalgues). Une espèce emblématique des côtes bretonnes, convoitée et elle aussi en déclin.

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