[Les coulisses de l’océanographie (3/12)]. Frédéric Marin est directeur du Laboratoire d’Études en Géophysique et Océanographie Spatiales (LEGOS) à Toulouse. Depuis près de quatre ans, l’océanographe physicien met en musique les différentes activités de son unité pour « tirer le meilleur de ces musiciens » et produire une science de qualité.
Chaque mois, Océans connectés part à la rencontre de celles et ceux qui font l’océanographie. Ils sont techniciens de laboratoire, topographes, ingénieurs, marins ou météorologues et sont tous essentiel au bon fonctionnement de la recherche marine. Pour ce troisième épisode, on découvre le quotidien de Frédéric Marin, directeur du Laboratoire d’Études en Géophysique et Océanographie Spatiales (LEGOS) à Toulouse.
par Marion Durand
Photo de couverture : Frédéric Marin © Marion Durand
Frédéric Marin nous reçoit dans son bureau mais très vite, il nous fait visiter les lieux pour que nous rencontrions les membres du laboratoire. « Le LEGOS, c’est eux aussi », tient à préciser le directeur du Laboratoire d’Études en Géophysique et Océanographie Spatiales. Le LEGOS est une Unité mixte de recherche, placée sous les tutelles du CNES, du CNRS, de l’IRD, et de l’Université de Toulouse. Le laboratoire est une entité de l’Observatoire Midi-Pyrénées, située au cœur du grand complexe scientifique toulousain.
Frédéric Marin occupe le poste de directeur d’unité depuis près de quatre ans après une carrière en tant que chercheur. Océanographe physicien, il a longtemps travaillé sur l’observation et la compréhension des océans tropicaux en utilisant les données issues des campagnes en mer, des satellites et grâce à la modélisation numérique.
Quelles sont les missions d’un directeur de laboratoire ?
Frédéric Marin : Je ne conçois pas mon poste comme un travail de chef mais plutôt comme un travail de facilitateur. Les missions du directeur d’unité (DU) sont très diverses. Il y a des missions réglementaires : assurer la sécurité dans les laboratoires ou les salles de chimie ; instaurer un environnement de travail adéquat. J’ai ensuite des missions liées à la stratégie scientifique de l’unité. Je suis là pour sensibiliser les chercheurs sur les évolutions du monde de la recherche et accompagner les plus jeunes dans le montage de leur projet car ils ne sont pas toujours informés des différentes sources de financement. Je valide aussi tous les projets qui remontent du laboratoire. Je fais le lien entre les tutelles et les membres du laboratoire. D’un côté, je suis le porte-voix du laboratoire vis-à-vis de nos employeurs, de l’autre, je suis la déclinaison de la chaîne hiérarchique.
En tant que directeur d’unité, je suis responsable de l’ensemble du personnel du laboratoire, dans ce cadre je valide les recrutements, je me charge de l’accueil et de l’accompagnement des nouveaux arrivants. Il m’arrive aussi de devoir résoudre des problématiques liées aux relations entre les membres du laboratoire. Ces missions de ressources humaines sont une part importante de notre travail alors que ça ne fait initialement pas partie de nos compétences.
Le directeur d’unité est-il garant du bon fonctionnement d’un laboratoire ?
F.M. : Pour moi, le directeur d’unité est un chef d’orchestre qui doit mettre en musique les différentes activités et tirer le meilleur de ces musiciens. Ma responsabilité est de créer le bon environnement de travail pour qu’on fasse de la science de qualité. Je vois le monde de la recherche comme un milieu créatif dans lequel il faut sans cesse innover. Pour cela, il faut un environnement qui permette aux gens d’être créatifs et c’est au directeur d’unité de le créer.
Je pense aussi que le rôle du directeur d’unité a changé depuis 30-40 ans. À l’époque, on avait besoin d’un chercheur de référence qui incarnait et portait le laboratoire par son aura. Aujourd’hui, les DU sont plutôt des managers de la recherche, des individus qui choisissent de se mettre au service du collectif. Dans les labos d’océanographie, c’est ce que je connais, je pense sincèrement que les directeurs ne sont pas là pour se mettre en avant ou pour porter à eux seuls un laboratoire. Ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas des chercheurs brillants mais je pense qu’ils sont là pour impulser un collectif de travail qui permet au labo de fonctionner.
À quoi ressemble votre quotidien ?
F.M. : C’est très difficile de définir une journée type, le plus important est d’être présent et disponible pour pouvoir répondre aux besoins et aux urgences. Ma journée commence à 8 heures et se termine vers 18 ou 20 heures Quand j’arrive, je commence par lire mes mails et il y en a beaucoup (rires). J’ai souvent des rendez-vous individuels avec un chercheur ou un petit groupe de chercheurs pour le montage d’un projet. J’ai aussi des réunions avec les différentes tutelles ou avec l’Observatoire Midi-Pyrénées. Dans ma journée, il y a toujours un temps d’échange avec le service administratif, ça peut être autour d’un dossier compliqué, du montage d’un projet ou sur le budget.
Le LEGOS a adopté un manifeste pour réduire son empreinte environnementale. Est-ce le rôle des DU d’impulser ce genre d’initiative ?
F.M. : L’impact environnemental de la recherche sera un sujet prédominant dans les prochaines années et l’attribution des financements dépendra en partie du bilan carbone des projets. C’est une question que nous nous posons au LEGOS. En 2019, on a fait un bilan carbone de l’unité. Sans surprise, les missions, les commandes, les allers-retours domicile travail ainsi que les campagnes en mer sont les postes avec une empreinte carbone élevée. Suite à ce calcul, on a adopté un manifeste qui a été soumis au vote. J’ai ensuite mandaté une commission environnement, constituée de volontaires du laboratoire, pour proposer des actions afin de réduire notre bilan carbone et pour définir une trajectoire durable du laboratoire.
Cette demande vient de certains membres de l’unité qui souhaitent mettre en cohérence leur activité scientifique et leur responsabilité écologique et sociétale. Mais la demande émane aussi des tutelles, qui ont elles-mêmes défini des objectifs chiffrés. C’est un sujet compliqué car il oscille entre la science et la politique. C’est mon rôle de le mettre sur la table sans que ça ne devienne un sujet clivant ou conflictuel.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir directeur de laboratoire ?
F.M. : Ce qui m’intéresse d’abord c’est de comprendre l’environnement de la recherche global, au-delà de ma propre thématique de recherche. Aussi, ce poste me permet d’étendre mon réseau, de rencontrer d’autres directeurs d’unités, d’être en contact avec tout le personnel, d’aller vers le grand public ou de participer à des événements. Le troisième élément motivant pour moi c’est d’être le porte-voix du laboratoire, c’est-à-dire de défendre les sujets des chercheurs, je découvre des thématiques que je connaissais assez peu. Enfin, je dirais que le côté management et « cellule d’écoute » est intéressant car on découvre les gens autrement et on les accompagne. Tous ces points sont très motivants car j’ai l’impression de semer des petites graines qui permettent à des choses d’éclore.