Damien Desbruyères, brillant lauréat du Grand Prix océanographique « Christian Le Provost » de l’Académie des Sciences

23/04/2024

10 minutes

Pour tout le monde

océans et nous

A 38 ans, Damien Desbruyères est océanographe physicien au sein du Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale à Ifremer Brest. Lauréat 2023 du Grand Prix « Christian Le Provost » remis par l’Académie des Sciences, il a été récompensé ce vendredi 19 avril 2024 au sein du Conseil Départemental des Côtes d’Armor, partenaire du prix depuis sa création.

par Carole Saout-Grit. Photo de couverture : J.F. Caillet.

Un Grand Prix unique de l’Académie des Sciences pour l’océanographie

Depuis 2011, tous les 2 ans, l’Académie des sciences remet le Grand Prix « Christian Le Provost » à un(e) jeune chercheur(e) océanographe âgé de moins de 38 ans. Ce prix biennal, doté d’un montant de 15 000€, a été créé par le CNRS, l’IFREMER, le CNES, l’IRD, le SHOM, le Cluster Maritime Français, le Conseil départemental des Côtes-d’Armor et la ville de Plérin.

En hommage à l’océanographe français Christian Le Provost, il récompense l’autrice ou l’auteur de recherches conduites dans un laboratoire français pour ses travaux remarquables en océanographie physique et biogéochimique.

Le 21 novembre 2023, à l’occasion de la cérémonie de remise des prix sous la Coupole de l’Institut de France, l’Académie des Sciences a attribué le 9ème Grand Prix « Christian Le Provost » à Damien Desbruyères, océanographe physicien au Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale de l’Ifremer Brest. Mais c’est ce vendredi 19 avril 2024 que cette récompense a été rendue officielle à Saint-Brieuc dans les Côtes d’Armor, sur les terres d’origine de Christian Le Provost.

L’hémicycle du Conseil départemental des Côtes d’Armor était complet à Saint-Brieuc lors de la cérémonie du Grand Prix « Christian Le Provost, océanographe » le vendredi 19 avril 2024. © JF Caillet

Un parcours universitaire riche et des travaux de recherche innovants 

Amateur de nature, de trail et de musique, Damien Desbruyères est aujourd’hui l’heureux papa de deux jeunes enfants et un scientifique brillant.

Brestois d’origine, il a fait une grande partie de ses études à la pointe bretonne. Après un baccalauréat scientifique et une licence de physique, il effectue deux années en master de recherche sur la « Physique et Mécanique des Milieux Continus » à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), avec l’option Océan-Atmosphère. Lors de la première année, il effectue une escapade au prestigieux NOC (National Oceanography Centre) de l’Université de Southampton, qui lui donnera définitivement le goût pour la recherche et pour une océanographie multidisciplinaire couplant physique, chimie, biologie et géologie.

En 2013, il poursuit ses études en thèse au Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale (LOPS, une unité mixte de recherche CNRS/Ifremer/IRD/Université de Bretagne Occidentale) à Ifremer Brest. C’est là, au côté des océanographes Herlé Mercier et Virginie Thierry porteurs du programme OVIDE depuis 2002, qu’il étudiera pendant trois ans la circulation et l’hydrographie de l’océan Atlantique Nord. Il tentera de décrypter la variabilité naturelle de ce bassin océanique à très grande échelle au cours des 50 dernières années, en combinant modèles numériques et données « in situ » collectées en mer.

Damien Desbruyères présente ses travaux lors de la cérémonie du Grand Prix « Christian Le Provost » du 19 avril 2024. © JF Caillet

Son doctorat en poche, il repartira au NOC de Southampton pour quatre années de post-doctorat, où il continuera de s’intéresser à l’étude du climat global et en particulier au contenu de chaleur océanique.

Depuis 2017 et sa titularisation au poste de chercheur de « dynamicien des océans profonds » au sein de l’équipe « océan & climat » LOPS à l’Ifremer de Brest, Damien Desbruyères poursuit ses travaux de recherche sur la variabilité de la grande circulation océanique et le transport de chaleur par l’océan en Atlantique nord. En trois dimensions, de la surface à l’océan profond et des latitudes subtropicales à subarctiques, il tente de mieux comprendre la dynamique de l’océan et sa variabilité naturelle dans le contexte actuel du changement climatique.

Cette année encore, après avoir déjà participé à 9 campagnes océanographiques, il repartira en mer. Du 29 juillet au 29 août, il sillonnera la zone de Terre-Neuve à l’est du Canada, cette fois comme chef de mission de la campagne CROSSROAD. Un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche qu’il porte depuis 2 ans, au côté du projet Horizon-Europe EPOC. Tous deux visent une meilleure compréhension du fonctionnement de la circulation thermohaline profonde en Atlantique Nord, et de sa connectivité entre les bassins subpolaires et subtropicaux.

Zone d’intérêt du projet CROSSROAD, avec trajet des principaux courants chauds de surface vers le nord (en orange) et courants froids profonds (en bleu) © CROSSROAD project

« Ce Grand Prix Christian Le Provost me donne surtout plus de visibilité et m’encourage à poursuivre mes recherches dans cette direction. Je pense que cela va également me permettre de diffuser la science que l’on fait au sein de notre équipe « Océan et Climat » du LOPS auprès de publics divers et variés, ce qui est très motivant – mais également un défi ! », affirme Damien Desbruyères

Le 15 février 2024, Damien Desbruyères a reçu la médaille de bronze du CNRS, qui récompense les premiers travaux de chercheurs qui font avancer la science, et les encourage ainsi à continuer sur cette lancée.

Une association bretonne en hommage à un océanographe pionnier de sa discipline

Après son décès brutal en 2004, la famille de Christian Le Provost a créé une association bretonne basée à Plérin, l’Association « Christian Le Provost Océanographe » (CLPO). Depuis 2007, elle souhaite à la fois continuer de promouvoir l’œuvre scientifique de Christian Le Provost, et transmettre la connaissance de l’océanographie au grand public par la rencontre entre scientifiques et citoyens.

Christian Le Provost était né en 1943 à Chateaubriand, mais a rapidement rejoint le berceau familial à Plérin, dans les Côtes d’Armor. Son enfance et sa jeunesse sont rythmés comme beaucoup à Saint-Laurent par la mer et ses marées, ce qui l’orientera assez naturellement vers une carrière d’océanographe. Recruté au CNRS en 1967, il fonde l’équipe d’océanographie de l’Institut de Mécanique de Grenoble. En 1997, il rejoint Toulouse pour prendre la direction du Laboratoire d’Études en Géodésie et Océanographie Spatiale (LEGOS), poste qu’il conservera jusqu’en 2003 avant de prendre la direction scientifique de MERCATOR-OCEAN, programme d’océanographie opérationnelle aujourd’hui mondialement reconnu.

Christian Le Provost et l’équipe Mercator Ocean – Juin 2003

Christian Le Provost a été l’un des bâtisseurs de l’océanographie française moderne, et un acteur majeur de la recherche océanographique internationale. Il a contribué de façon déterminante aux progrès des connaissances dans le domaine de la circulation océanique et de la mesure du niveau de la mer. En particulier, ses travaux sur l’amélioration de la prévision des marées ont permis à l’altimétrie satellitale de s’imposer comme un outil indispensable à la compréhension de la circulation océanique globale.

Par les différents travaux de recherche qu’il a mené en France tout au long de ses 35 ans de carrière académique, Christian Le Provost a contribué de manière déterminante à toutes les grandes avancées scientifiques de l’océanographie. Il est l’un de ces grands pionniers qui a permis que l’océanographie soit aujourd’hui à la fois une discipline de recherche pleine d’avenir et une science en lien direct avec les enjeux actuels de la société.

Selon Damien Desbruyères, « Christian Le Provost a fourni un travail très novateur et internationalement reconnu en modélisation numérique de l’océan, dans l’étude des marées et des ondes océaniques, ou encore pour la compréhension des interactions entre l’océan et le climat. Par ses contributions majeures, il continue d’influencer la recherche et notre façon de comprendre l’océan physique ».

Une nouvelle édition des « Journées Océanographiques » placée sous le signe de la jeunesse

Le vendredi 19 avril 2024, l’association CLPO organisait donc la 8ème édition des « Journées Océanographiques » à Saint-Brieuc et à Plérin. Après la cérémonie matinale de remise du Grand Prix dans le grand hémicycle du Conseil Départemental des Côtes d’Armor ponctuée d’une présentation très pédagogique du lauréat 2023, la journée s’est poursuivie à Plérin par une série de 3 conférences scientifiques articulées autour du thème du réchauffement de l’océan. Au programme : mesures de l’élévation du niveau de la mer, conséquences du réchauffement climatique sur l’érosion côtière et les phénomènes de submersion marine, changement climatique en Bretagne et leviers régionaux d’actions. Les orateurs très pédagogues ont offert des conférences de très grande qualité, passionnant la centaine de citoyens venus les écouter au centre culturel du Cap à Plérin

Comme à chaque édition, la veille de cette journée a fait l’objet d’un « pré-événement » tourné vers la jeunesse et co-organisé par l’association CLPO en lien avec l’association briochine « le Temps des Sciences ».

Salle comble au Lycée Chaptal de Saint-Brieuc pour la Journée Océanographique du 18 avril 2024

Une conférence scientifique menée par Ronan Fablet, professeur de l’IMT Atlantique posait la question « océanographie et Intelligence artificielle : transition ou révolution ? ». Elle a attiré plus d’une cinquantaine d’étudiants et leurs professeurs réunis au lycée Chaptal de Saint-Brieuc, principalement ceux issus de classes préparatoires maths/physique. Les enjeux sont en effet nombreux autour de l’IA, et ils sont autant scientifiques, technologiques que professionnels. De nouveaux métiers sont à inventer pour prendre en main une révolution qui avance à très grande allure.

S’en est suivi la présentation de l’association Sailowtech par quatre étudiants de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse, invités par l’association CLPO. Ils ont pu parler de la raison d’être de leur association et des nombreuses actions menées depuis 2 ans autour de développements technologiques low-tech d’instruments océanographiques destinés à la mesure de plancton marin ou encore de plastiques dans les océans. Cet été, l’équipage de Sailowtech repartira aussi à bord de son voilier pour poursuivre l’expédition Atlantea et de nouvelles études sur le plancton marin.

Expédition Atlantea par l’association SailowTech

Voir le site de l'association "Christian Le Provost, océanographe"

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