Par Laurie Henry
En mer Méditerranée, les vagues de chaleur marines ont considérablement augmenté en intensité, en durée et en fréquence, et plus encore dans les zones côtières. Le changement climatique induit par l’Homme en est la cause majeure. Leur étude permettra de les prédire et de mettre en place des stratégies d’atténuation. Dans cette perspective, la plateforme en libre accès de la SOCIB est un outil essentiel.
La société est confrontée à des défis inédits et à des impacts profonds liés au climat, comme notamment les vagues de chaleur marines. Affectant négativement les écosystèmes, menaçant les économies et renforçant les tempêtes en réchauffant les eaux océaniques, elles surviennent lorsque les températures de l’océan sont extrêmement chaudes pendant au moins cinq jours consécutifs.
Un phénomène dont les données augmentent
Bien que les vagues de chaleur marines aient été abordées relativement récemment, elles sont bien référencées dans les médias et la communauté scientifique, ainsi que dans les rapports de groupes d’experts internationaux (Sixième rapport d’évaluation du GIEC, Premier rapport d’évaluation de la Méditerranée par MedECC).
D’ailleurs, les données océaniques recueillies permettent d’établir des tendances, à long terme, des caractéristiques des vagues de chaleur marines à l’échelle locale. Elles permettent également de mieux comprendre les moteurs, les mécanismes et les conséquences de ces phénomènes océaniques, tels que les impacts sur les écosystèmes marins, la circulation océanique et le climat.
Récemment, une étude de la SOCIB (Système d’observation et de prévision des océans côtiers des îles Baléares), centre de recherche en Espagne, a démontré que dans les différentes régions de la mer Méditerranée, l’intensité des vagues de chaleur marines, leur durée et leur fréquence sont en constante progression. Cette étude aborde la réponse de l’océan dans l’environnement côtier, afin de tenter de mettre en place des plans d’atténuation du phénomène.
Une évolution de l’étendue des canicules à long terme
A l’aide d’observations multiplateformes, les chercheurs ont constaté que toute la Méditerranée connaissait des tendances à la hausse au cours de la période 1982-2020 avec des valeurs allant de 0,24°C à 0,52 ºC pour l’intensité moyenne, de 1,03 à 2,13 ºC pour l’intensité maximale, de 5 à 12 jours pour la durée moyenne, et de 4 à 7 événements pour la fréquence.
Plus précisément, les maximas locaux de l’intensité se trouvent en Méditerranée occidentale et en mer Adriatique au cours de la décennie 2002-2011, en raison de l’événement extrêmement chaud et de longue durée de 2003. De plus, la dernière décennie est la période où les intensités maximales sont les plus élevées dans toute la mer Méditerranée, imprimant ce rythme, de constante augmentation des canicules, à la prochaine décennie à venir.
Canicule en profondeur et conséquences côtières
Pour comprendre la dynamique de ces phénomènes et pouvoir les modéliser, la propagation en profondeur des canicules marines a également été analysée. Elle met en évidence une variabilité saisonnière et spatiale, avec une stratification bien plus grande des eaux. En effet, l’océan est stratifié en raison des différences de densité, avec une couche d’eau plus chaude, plus légère et moins salée sur une eau plus lourde, plus froide et plus salée.
Le mélange entre les couches se produit lorsque la chaleur s’infiltre lentement plus profondément dans l’océan et sous l’action du courant, des vents et des marées. Mais plus la différence de densité entre les couches est grande, plus le mélange est lent et difficile. C’est ce qu’il se passe lors des canicules marines, la hauteur de la couche d’eau chaude augmente, les différences de densité entre les couches sont encore plus grandes.
Cette couche va alors agir comme une barrière entre les masses d’eau de surface et celles plus profondes, modifiant la circulation océanique et empêchant la ventilation océanique. Cette barrière va également modifier la circulation entre les eaux de surface pauvres en nutriments et les eaux souterraines riches en nutriments, impactant directement les activités biologiques océaniques.
Dernier point, les auteurs ont constaté que l’intensité de ces phénomènes océaniques était bien plus importante dans les zones côtières que celles plus au large. Cela est notamment dû aux caractéristiques géographiques, météorologiques et océaniques locales. Les conséquences sont alors plus rapides sur les écosystèmes marins dans ces zones, déjà fragilisés par les activités humaines.
En conclusion, il est vital de surveiller en continue la mer pour comprendre son évolution face au réchauffement climatique et améliorer les prévisions. Ce travail est crucial pour que les décideurs politiques puissent agir en toute état de cause, car les canicules marines vont devenir la norme, comme nous l’exposions dans un précédent article. Il est urgent d’agir et de développer des stratégies d’atténuation et d’adaptation.