Un nouveau rapport sur l’État de l’Océan vient de paraitre. Il révèle des changements alarmants dans les océans mondiaux, notamment l’augmentation des températures marines et la perturbation des courants océaniques. Il met en lumière les risques pour les écosystèmes, la biodiversité et les communautés côtières, soulignant l’urgence d’actions environnementales. Un nouvel appel à une prise de conscience collective et à des mesures concrètes pour atténuer les effets du changement climatique sur les océans.
par Laurie HENRY
Un rapport collaboratif
Le Rapport sur l’État de l’Océan Copernicus (OSR) est une publication annuelle de Mercator Ocean International, qui opère dans le cadre du service marin de l’Union européenne, Copernicus. Lancé en 2015, l’OSR est devenu un outil de référence pour le suivi de l’état, de la variabilité et des changements en cours dans l’environnement marin global et les mers régionales européennes. Il permet la prise de décisions éclairées nécessaires pour protéger et préserver nos océans.
Le septième rapport, OSR7, a été publié le 27 septembre 2023, dans un contexte de préoccupations croissantes concernant le changement climatique et ses effets sur les océans. Il est le fruit d’une collaboration internationale impliquant plus de 80 scientifiques et plus de 30 institutions réparties dans 14 pays. Il compile 13 études évaluées par des pairs, couvrant un large éventail de sujets relatifs à l’état des océans, de la physique à la biogéochimie et à la biologie marine.
Un thermomètre océanique en hausse
L’OSR7 a mis en évidence des anomalies préoccupantes dans les dynamiques océaniques. Le rapport détaille une augmentation notable de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur marines, ces périodes où les températures de l’eau excèdent les normes saisonnières pendant au moins cinq jours consécutifs.
Ces phénomènes, autrefois rares, sont devenus monnaie courante, affectant la biodiversité marine et les courants océaniques, à l’exception notable de l’océan Austral qui semble, pour l’instant, épargné par cette tendance.
En avril 2023, un seuil critique a été franchi lorsque la température moyenne à la surface des océans a grimpé à 21,1°C, dépassant ainsi le record établi en 2016. Ce pic témoigne d’une tendance au réchauffement global des océans, qui ne se limite pas à des fluctuations saisonnières ou régionales, mais s’inscrit dans une évolution à long terme de l’environnement marin. Ce changement de température, qui peut sembler minime, a en réalité des répercussions considérables sur les écosystèmes marins, la météorologie et les cycles climatiques à l’échelle planétaire. Mais certaines régions sont impactées bien plus rapidement que d’autres…
Des écosystèmes sous pression
La Méditerranée, souvent qualifiée de point chaud de la biodiversité marine, subit un réchauffement accéléré, surpassant de 20% la moyenne globale. Cette mer semi-fermée, qui abrite plus de 17 000 espèces, a vu ses températures de surface grimper de manière alarmante, atteignant un pic de 28,7°C en août 2023. Cette augmentation, loin d’être anodine, menace directement la survie des écosystèmes méditerranéens, déjà vulnérables dans cette mer semi-fermée et de la surpêche.
Les conséquences écologiques sont multiples et conséquentes. Les espèces marines, en quête de conditions de vie supportables, migrent vers des eaux plus froides, entraînant une modification des chaînes alimentaires marines. Ces migrations ne sont pas sans conséquence pour l’industrie de la pêche, qui se retrouve confrontée à une diminution des prises habituelles et à l’incertitude quant aux nouvelles zones de pêche.
Cette situation exerce certes une pression économique sur les communautés côtières. Mais elle souligne l’urgence d’adopter des pratiques de pêche durable et de mettre en place des mesures de conservation efficaces pour préserver la biodiversité marine en Méditerranée.
Des circulations océaniques perturbées
L’OSR7 souligne également avec acuité l’influence du changement climatique sur la circulation océanique. Les courants marins sont perturbés par l’apport d’eaux douces provenant de la fonte accélérée des glaces de l’Antarctique. Ces eaux, moins salées et moins denses, interfèrent avec la mécanique des courants océaniques et la circulation thermohaline, actionnée par la densité de l’eau. De telles perturbations entraînent un ralentissement des courants, ce qui a des répercussions directes sur le climat mondial.
En effet, les courants océaniques jouent un rôle crucial dans la régulation des températures globales en redistribuant la chaleur des régions équatoriales vers les pôles. Un ralentissement de ces courants pourrait donc modifier les conditions climatiques habituels d’une région donnée, et avoir des conséquences dramatiques à l’échelle planétaire. De fait la distribution et l’intensité des pluies dans différentes régions du monde seraient bouleversées, affectant l’agriculture et la disponibilité de l’eau douce.
D’ailleurs, l’AMOC (circulation méridienne de retournement de l’Atlantique), système complexe de courants marins, incluant notamment le célèbre Gulf Stream, présente un affaiblissement dramatique, souligné par l’OSR7. Il est essentiel à la régulation du climat dans l’hémisphère nord. Selon le nouveau rapport, il risque de continuer à s’affaiblir jusqu’à un point de non-retour d’ici le milieu du siècle. Son effondrement aurait des répercussions majeures, perturbant le climat à l’échelle mondiale.
La montée des eaux est également une conséquence directe de la fonte des glaces. Elle menace les zones côtières basses et les écosystèmes marins, mettant en péril les communautés humaines et animales qui en dépendent. C’est un cercle vicieux où le changement climatique altère les courants, ce qui à son tour, peut exacerber les effets du changement climatique.
Un Rapport pour l’Action
L’OSR7 dépasse son rôle de simple rapport scientifique pour devenir un cri d’alarme, exhortant à une mobilisation globale. Il ne se contente pas de dresser un état des lieux des océans, mais appelle à une action immédiate et concertée pour contrer les effets dévastateurs du changement climatique sur les milieux marins.
Le rapport insiste sur la nécessité impérieuse de mettre en œuvre des stratégies de conservation et de restauration des habitats marins, qui sont menacés par l’acidification, la surpêche, la pollution et le réchauffement des eaux.
L’urgence est double : il s’agit de protéger la biodiversité marine, qui assure la résilience des écosystèmes face aux perturbations, et de restaurer les zones déjà dégradées pour qu’elles puissent continuer à fournir les services écosystémiques vitaux dont dépendent les sociétés humaines.
L’OSR7 suggère que sans une action rapide pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour mettre en place ces mesures de protection, les dommages causés aux océans deviennent irréversibles, avec des conséquences catastrophiques pour l’environnement mondial et l’économie bleue. Un appel à la responsabilité collective pour préserver l’avenir de notre planète.