Que nous apprend le passé sur le climat futur ?

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océans et climat

Par Laurie Henry

Les paysages sont le résultat des conditions climatiques actuelles et passées. Divers endroits du globe enregistrent des informations et sont appelés archives naturelles. Comprendre comment le climat a varié naturellement sur des milliers et des millions d’années nous apprend comment fonctionne le système climatique de la Terre et met en lumière les changements actuels induits par l’Homme.

La paléoclimatologie est l’étude des climats passés au cours des temps géologiques de la Terre. Les paléoclimatologues tentent d’identifier les causes des changements climatiques produits dans le passé afin de mieux comprendre notre climat actuel et futur.

Malheureusement, les données recueillies par les instruments modernes ne remontent qu’à environ un siècle, laissant les archives naturelles comme le principal moyen de connaître les climats passés. Parmi elles, on trouve des sédiments lacustres et océaniques, des stalactites et stalagmites dans les grottes ou même les cernes des arbres.

Quels sont les facteurs du climat ?

Les conditions climatiques actuelles dépendent de caractéristiques extérieures comme le rayonnement solaire reçu, lui-même fonction de la puissance émise par la Soleil. Elles fluctuent également en raison de conditions internes : composition de l’atmosphère en gaz à effet de serre, répartition des océans et des continents, ennuagement et albédo (la part des rayonnements solaires qui sont renvoyés vers l’atmosphère).

Certains facteurs ont subi des variations considérables. Depuis la formation du système solaire, le rayonnement solaire a augmenté de façon lente, et la composition de l’atmosphère a beaucoup évolué, entraînant de fortes variations de l’effet de serre et de la température. Celles-ci, parfois brutales, sont à l’origine des ères géologiques et des cinq extinctions de masse survenues à l’Ordovicien (445 millions d’années), le Dévonien (385 millions d’années), le Permien (252 millions d’années), le Trias-Jurassique (200 millions d’années) et le Crétacé-tertiaire (65 millions d’années, disparition des dinosaures).

Comment étudier les climats passés à travers la glace ?

Une des méthodes pour déterminer les variations climatiques naturelles passées repose sur le prélèvement de carottes de glace ancienne, extraites de glaciers. La glace est formée de neige qui s’accumule sur des centaines de milliers d’années. A chaque différence de constitution dans les couches de glace, les scientifiques en déduisent une nouvelle période (hiver/été) et remontent ainsi les années. Plus on creuse la glace, plus on remonte le temps géologique.

Lorsque les couches de neige se compactent, de minuscules bulles d’air y sont emprisonnées, véritables « instantanés » de l’atmosphère au moment où elles ont été piégées. Elles contiennent également de la poussière, des cendres, du pollen et d’autres particules apportant des indices sur les conditions environnementales passées.

Néanmoins, la température passée n’est pas directement accessible à partir des carottes de glace. Les scientifiques doivent mesurer la composition chimique de l’air emprisonné — oxygène, dioxyde de carbone et azote gazeux. En effet, des températures plus froides entraînent par exemple une concentration plus élevée d’un isotope* d’oxygène particulier dans la neige.

À partir de ces mesures, de données empiriques et de modélisations, les scientifiques calculent les températures passées.

Le climat passé dans les sédiments marins

Une autre archive importante est constituée des milliards de tonnes de sédiments s’accumulant chaque année dans les bassins océaniques et lacustres. Les scientifiques forent des carottes de sédiments des fonds du bassin et examinent leur contenu composé de minuscules fossiles, de poussière, de cendres volcaniques ou de pollen.

Tout comme la glace, les produits chimiques qui en résultent permettent de mesurer l’oxygène et le carbone qui étaient présent à l’époque et d’en déduire les températures passées, via les isotopes. Le pollen, quant à lui, renseigne sur le type de plantes vivant à cette époque, ce qui permet de modéliser plus finement le climat.

Cas concret : l’Antarctique nous révèle 100 000 ans de changement climatique

Récemment, en analysant des échantillons de roches inhabituels collectés en Antarctique, des scientifiques de l’Université de Californie à Santa Cruz (Gavin Piccione et al., 2022) ont découvert un enregistrement remarquable qui renseigne sur la façon dont l’Antarctique oriental a réagi aux changements climatiques sur une période de 100 000 ans au cours du Pléistocène supérieur*.

Cette calotte glaciaire est la plus grande masse de glace du monde. Comprendre sa sensibilité au changement climatique est crucial pour prévoir l’augmentation du niveau de la mer. Des études récentes suggèrent qu’elle pourrait être bien plus vulnérable à la perte de glace que ce que l’on pouvait imaginer.

Les résultats de la nouvelle étude, publiée dans Nature Communications, suggèrent que les températures de l’eau dans l’océan Austral sont le principal mécanisme à l’origine de la réponse de l’Antarctique aux changements du climat mondial. Ces changements se reflètent dans les types de minéraux déposés à la base de la calotte glaciaire, alternant entre des couches d’opale (période froide) et de calcite (période chaude).

calcite opale glace

L’échantillon MA113 présente l’alternance des couches entre opale (blanche) et calcite (marron). © G. Piccione et al., 2022.

Selon la NOAA (Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique), les enregistrements paléoclimatiques issus de ces différentes sources et les recherches associées indiquent que les épisodes de réchauffement passés ont souvent induits bon nombre des impacts climatiques qui se produisent aujourd’hui : une augmentation significative des températures mondiales ; des océans qui montent et s’acidifient ; et la fonte des glaces polaires.

La recherche paléoclimatique est essentielle pour prédire comment des quantités croissantes de dioxyde de carbone atmosphérique modifieront le climat de la Terre. Ces projections informent sur la manière dont les sociétés peuvent atténuer et s’adapter aux impacts du changement climatique.

 

*Isotope : les isotopes sont des atomes d’un même élément qui sont plus lourds ou plus légers selon le nombre de neutrons dans son noyau. Les deux isotopes les plus courants de l’oxygène dans la nature sont l’oxygène-16 (plus léger) et l’oxygène-18 (plus lourd). Le premier est en plus grande quantité dans la glace lorsque les températures sont froides.

*Pléistocène supérieur : ère géologique débutant il y a environ 126 000 ans et s’achevant il y a environ 11 700 ans.

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