La goélette scientifique TARA reprend la mer pour ausculter les côtes européennes

05/04/2023

5 minutes

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océans et nous

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Par Laurie Henry

Dimanche 2 avril, dans le port de Lorient, la goélette scientifique TARA prenait le départ pour une nouvelle expédition de deux ans. En conjuguant études terrestres et maritimes des écosystèmes, cette mission ambitionne d’analyser l’impact des pollutions sur la biodiversité tout le long des côtes européennes. Les escales seront l’occasion de partager les connaissances et de sensibiliser tout un chacun au rôle essentiel des océans, tout en mettant en avant leur fragilité face aux activités humaines.

Des littoraux essentiels à l’Homme

Les littoraux européens sont des environnements riches en biodiversité et représentent également des sites industriels, culturels et patrimoniaux importants. De fait, les régions côtières sont des écosystèmes fonctionnels clés dont les humains dépendent pour leurs moyens de subsistance et leur bien-être.

Mais ils jouent aussi un rôle essentiel dans la stabilité et la durabilité d’écosystèmes plus larges. Les écosystèmes terrestres et marins n’existent pas isolément. Eux et les organismes qui les composent s’influencent mutuellement, ont un impact sur la santé globale de notre planète et sous-tendent l’évolution de la vie sur Terre.

Cependant, les impacts des activités telles que la pollution, l’agriculture et la construction de bâtiments, ainsi que le changement climatique, conduisent à une perte accélérée de la diversité génétique des espèces et à la destruction des écosystèmes.

Pour minimiser les conséquences de ces facteurs sur la biodiversité côtière, il est impératif de comprendre les réponses aux pressions des organismes au niveau moléculaire et cellulaire à l’échelle du continent européen, et l’impact qu’elles ont sur le fonctionnement de tout l’écosystème.

Le professeur Peer Bork, directeur de l’EMBL Heidelberg (Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire) et coordinateur du projet TREC (Traversing European Coastlines), porté par cette expédition, explique : « La nature transeuropéenne de ce projet signifie que les échantillons seront prélevés de manière standardisée. Cela permettra de comparer et de sonder les données à travers l’Europe entière au lieu d’un système régional ou national ».

Une approche scientifique inédite et une coopération solide

L’expédition combinera l’exploration océanique menée par la Fondation Tara Oceans et le Consortium Tara Oceans, avec un échantillonnage parallèle de sols, sédiments, aérosols, eaux peu profondes et organismes modèles sélectionnés dans divers habitats. Ils seront soutenus par les services mobiles terrestres de l’EMBL et les instituts de recherche marine locaux, notamment plus de 150 équipes de recherche de plus de 70 institutions dans 29 pays européens.

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Carte expédition Tara Europa. © Fondation Tara Océan

La diversité des organismes sera étudiée à toutes les échelles, des virus, bactéries et protistes (organisme unicellulaire) aux groupes multicellulaires tels que les algues et les animaux. L’analyse impliquera des techniques de microcopie innovante permettant d’observer des détails sans précédent dans l’association de données moléculaires et morphologiques au niveau d’un seul organisme et d’une seule cellule !

Cette technologie sera apportée sur le terrain par TREC de l’EMBL, une contribution essentielle pour la valeur des données. En effet, les échantillons biologiques peuvent être fragiles : dès que l’eau ou le sol est retiré de son environnement naturel, les organismes et les écosystèmes qu’ils contiennent commencent à changer. En apportant des outils de laboratoire avancés sur le terrain, les scientifiques peuvent aborder des questions entièrement nouvelles.

Outre les données océanographiques standard (pH, salinité, température, etc.), un accent particulier sera mis sur la détection des métabolites (composé organique intermédiaire ou issu du métabolisme d’un organisme) ainsi que sur la caractérisation physique et chimique (c’est-à-dire les polluants tels que les métaux, les pesticides, les hormones et les antibiotiques) des habitats échantillonnés.

Le résultat sera l’intégration de grands jeux de données en une image complète des liens au sein et entre différents écosystèmes terrestres et aquatiques, depuis les plus petits microbes jusqu’aux animaux et aux plantes. Cette prouesse permettra aux scientifiques de comprendre les effets des changements environnementaux dans ce réseau d’écosystèmes.

Associer et sensibiliser le grand public

La biodiversité et les écosystèmes marins évoluent à un rythme plus rapide que les écosystèmes terrestres, résultant des impacts cumulatifs des actions humaines, notamment le réchauffement global des océans, la désoxygénation, l’acidification, ainsi que la pollution océanique et l’exploitation des ressources naturelles.

L’amélioration de la santé côtière nécessitera non seulement des connaissances scientifiques, mais aussi des changements dans la façon dont les sociétés interagissent avec les mers, les océans et les régions côtières et comment elles les utilisent. C’est pourquoi l’EMBL, la Fondation Tara Océan et de nombreux partenaires locaux proposeront également différentes activités d’engagement du public et d’éducation scolaire le long du parcours du TREC et au-delà.

Ce faisant l’expédition souhaite créer de la valeur pour la société en réunissant des experts de différents pays et disciplines pour une initiative conjointe qui vise à éveiller les consciences quant aux nombreux défis auxquels notre planète est confrontée aujourd’hui.

Les citoyens pourront découvrir presque en direct le pouvoir de la biologie moléculaire pour relever ces défis de santé humaine et planétaire. Ils pourront entendre des scientifiques ou explorer eux-mêmes la science pour comprendre les liens entre la terre et la mer, les humains et la planète.

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