Le projet CLIMArcTIC pour décrypter les impacts régionaux et globaux du changement climatique en Arctique

L’Arctique est généralement considéré comme le baromètre du changement climatique. Il subit des transformations plus spectaculaires que toute autre région de la planète et risquant, selon les modèles climatiques, de s’intensifier à l’avenir. Financé par le Programme Prioritaire de Recherche « Océan & Climat »pour la période 2022-2028, le projet CLIMArcTIC vise à décrypter les causes et les conséquences de ces changements sur cette grande région polaire, de l’échelle locale à l’échelle globale du climat mondial.

L’ARCTIQUE, SENTINELLE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CLIMAT MONDIAL

Au pôle Nord, l’océan Arctique continue de fasciner le grand public, sans doute parce qu’il fait encore partie de ces régions peu explorées sur notre planète. Pourtant, il est aujourd’hui et plus que jamais menacé par les conséquences d’un changement climatique qui s’accélère sous l’effet de nos activités humaines.

Les effets du réchauffement sont en effet deux fois plus intenses en Arctique que sur le reste de la planète, et déjà bien visibles : déclin important et rapide de la glace de mer, fonte du permafrost, augmentation des températures, eaux de surface plus fraîches et acides, hausse du niveau des océans etc…Les transformations en cours touchent toutes les composantes du système arctique (océan, atmosphère, cryosphère), et leurs conséquences sont importantes et étendues. Les changements des conditions environnementales marines modifient la production primaire, les écosystèmes et la chaîne alimentaire. Localement, les communautés autochtones sont fortement impactées par ces profondes transformations, assistant impuissants aux changements de leur environnement naturel et des ressources dont elles dépendent, contraintes qui les obligent à adapter leur mode de vie. A ceci s’ajoute l’impact de l’émergence de nouvelles activités socio-économiques dans la région  facilitées par ces transformations (e.g. extraction de nouvelles ressources, tourisme de masse, nouvelles voies de navigation).

Loin de n’être qu’un phénomène régional, le réchauffement de l’Arctique aura des conséquences sur le climat et les écosystèmes planétaires. Les impacts des changements dans l’Arctique peuvent potentiellement modifier la circulation océanique et atmosphérique globale et en ce sens, les pôles sont considérés par les scientifiques comme de véritables sentinelles de l’environnement et du climat mondial, et surveillés comme tels.

L’Arctique, sentinelle du changement climatique © JC Andre / pexels

 

UN TERRITOIRE FRAGMENTÉ INDICATEUR DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 

Si les modèles climatiques prévoient tous que les changements actuellement observés dans l’Arctique vont s’intensifier à l’avenir, ils divergent encore sur l’intensité et la rapidité des changements affectant les conditions physiques et biogéochimiques dans les différentes régions de cet océan. En effet, l’Arctique n’est pas une région homogène et elle est au contraire composée de divers écosystèmes, chacun ayant ses propres caractéristiques uniques.

La manière dont chaque région réagit au changement climatique peut varier, certaines régions pouvant par exemple connaître une fonte plus rapide de la glace de mer tandis que d’autres verraient des bouleversements dans les populations d’espèces animales et végétales.

Sur la gauche, l’image montre que l’étendue de la glace de mer arctique en septembre 2022 était inférieure à l’étendue médiane (moyenne médiane au milieu de la plage des étendues de glace observées) pour 1991-2020, et bien inférieure aux conditions médianes de glace de 1981-2010. À droite, le graphique montre la baisse constante de l’étendue de la banquise depuis 1979. © NOAA Climate.gov, basé sur les données du NSIDC

En étudiant ces réponses régionalisées, CLIMARCTIC espère obtenir une image plus précise de l’impact du changement climatique sur l’Arctique dans son ensemble et pouvoir examiner en détail les impacts locaux et globaux de ces changements. Pour atteindre cet objectif, le projet adopte une approche intégrative, réunissant des scientifiques spécialisés en océanographie physique, glace de mer, dynamique du climat, biogéochimie, biologie, sciences politiques, géographie, droit, anthropologie, développement régional et géopolitique. Cette approche interdisciplinaire doit permettre d’aborder le problème du changement climatique en Arctique sous différents angles, en tenant compte des interactions complexes entre les systèmes physiques, biologiques et humains.

Un projet ambitieux et des solutions attendues

En analysant les observations et les simulations climatiques existantes, à l’aide de méthodes statistiques avancées basées sur l’intelligence artificielle, le projet débutera par un examen de notre capacité actuelle à saisir les changements en cours et futurs dans l’Arctique. Les scientifiques tenteront de décrypter et de mieux quantifier les processus importants (par exemple, les vagues, la turbulence ou les tourbillons à méso-échelle) qui déterminent les conditions physiques et biogéochimiques dans les différentes régions de l’Arctique.

L’objectif est de pouvoir mieux représenter ces processus-clés dans les modèles climatiques, et ainsi permettre des projections précises et fiables des changements régionaux dans l’Arctique. Ce sont ces projections qui permettront finalement d’évaluer l’impact des changements arctiques sur le système climatique global, sur les communautés arctiques locales et sur le développement des activités socio-économiques dans cette région polaire.

En plus d’apporter une compréhension approfondie des transformations affectant l’Arctique, CLIMArcTIC vise à structurer la communauté́ scientifique française travaillant sur l’Arctique. En s’appuyant sur la fascination du public pour l’Arctique, le projet contribuera également à sensibiliser la société́ aux questions liées au changement climatique par le biais de programmes de sensibilisation et d’éducation innovants.

Financé pour 6 ans, le projet CLIMArcTIC répond prioritairement au second défi du PPR « Océan & Climat » visant à intensifier les recherches dans les océans polaires, en pleine mutation et au cœur des enjeux stratégiques. Sur un second plan, le projet contribue également au sixième défi du PPR relatif à l’utilisation durable des ressources de l’océan, en s’appuyant sur la science de la durabilité.

Le projet CLIMArcTIC est coordonné par Camille Lique, chercheure au Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale (LOPS) à Ifremer Brest, et rassemble une communauté de 48 chercheurs et ingénieurs.

Les établissements partenaires du projet sont au nombre de 9, parmi lesquels l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), l’École Nationale Supérieure Mines-Télécom Atlantique Bretagne Pays de la Loire (IMT-A), l’Université́ de Nantes (UN), l’École Centrale Nantes (ECN), Sorbonne Université́ (SU), l’Université́ de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et l’Université́ de Bretagne occidentale (UBO). Le laboratoire de recherche international TAKUVIK ainsi que le Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique (CERFACS) sont également partenaires du projet.