Par Laurie Henry
Le réseau Animal Borne Ocean Sensors (AniBOS) lancé en 2020, représente une technique innovante d’observation des océans et est déjà reconnu comme une composante essentielle du réseau mondial de surveillance et de recueil de données sur l’océan.
Les océans sont une partie essentielle du système climatique mondial. Une compréhension approfondie de la physique des océans et de la façon dont ils évoluent est essentielle pour comprendre le climat de la Terre. Les efforts mondiaux pour coordonner les observations océaniques sont supervisés par le Système mondial d’observation de l’océan (GOOS).
Mais les océans du monde sont vastes et l’observation de toutes les régions, pour tous les processus océaniques d’intérêt, dépasse la capacité d’un seul réseau d’observation, ce qui souligne la nécessité d’une approche à plusieurs volets. En effet, il existe des zones difficiles d’accès et pour lesquelles les données manquent.
Un projet complémentaire
Combler ces lacunes est crucial, en particulier dans les océans austral et arctique des hautes latitudes qui évoluent actuellement rapidement à cause du changement climatique.
C’est dans ce cadre que le réseau AniBOS s’inscrit. Il a pour objectif de recueillir les mesures océanographiques des régions les plus inaccessibles des mers mondiales. Il s’agit en particulier des hautes latitudes, des plateaux côtiers peu profonds et des mers tropicales. Ces lacunes sont dues en grande partie aux coûts logistiques, à la couverture satellite limitée et à l’accès saisonnier limité des navires aux régions éloignées couvertes de glace.
Le programme vise également à coordonner la collecte à long terme de flux de données marines et de les rendre accessibles à tous et gratuitement. Ce faisant, il fournit une capacité complémentaire aux autres réseaux GOOS qui surveillent les variables essentielles océaniques, climatiques et de la biodiversité.
Les animaux sont les mieux placés pour observer les océans
Étant donné que les animaux marins parcourent de nombreux kilomètres pour trouver de la nourriture, les scientifiques ont commencé à équiper ces animaux d’appareils et de capteurs spéciaux pour mieux comprendre leur comportement alimentaire et collecter des données océanographiques sur de longues distances et à différents endroits.
Ces capteurs océaniques peuvent être placés sur différents animaux, tels que les éléphants de mer, les phoques de Wedell et les tortues. Une fois l’animal capturé et sécurisé, le dispositif est fixé avec de l’époxy, de manière à ne pas perturber les mouvements et le comportement de l’animal. Puis ce dernier est relâché. Les données sont transmises en temps quasi réel à l’aide du système Advanced Research and Global Observation Satellite (Argos).
Le type de données recueillies dépend de l’espèce et des caractéristiques du cycle biologique de l’animal. Les manchots fournissent des profils complets de température de l’océan Austral, de 0 jusqu’à 2000 mètres de profondeur. Les pingouins et les otaries à fourrure des régions tempérées de l’hémisphère sud enregistrent des données de température principalement dans les 100 mètres supérieurs de la colonne d’eau. Les oiseaux de mer font des mesures de surface telles que les courants et les vents océaniques sur de grandes étendues des océans tropicaux et tempérés. Néanmoins, les types d’instruments que les oiseaux de mer peuvent transporter sont limités à cause de leur taille et du poids qu’ils peuvent supporter en vol.
Le Dr Clive McMahon, de l’IMOS et du Sydney Institute of Marine Science, à l’origine du projet, explique : « Équiper les animaux marins de capteurs biologiques et physiques est une approche établie de longue date pour étudier le comportement des animaux, leur écologie et leur environnement physique, et produit de riches flux de données depuis plusieurs décennies ».
Les capteurs portés par les animaux aident ainsi à combler les lacunes en collectant et en transmettant en moyenne 500 profils de température-salinité-profondeur par animal par an, augmentant les observations dans la partie supérieure de l’océan. Ils améliorent considérablement la précision et la confiance dans les estimations de l’état des océans.
C’est à partir de ces données, consolidées et robustes, que les études de la variabilité climatique s’appuient. Elles établissent une base permettant d’affiner les estimations des prévisions climatiques à l’échelle régionale et mondiale.
Comprendre l’impact du réchauffement climatique sur les animaux marins
Outre les prévisions climatiques, ces observations sont également une mine de données sur les mouvements et le comportement des animaux.
La fusion de l’océanographie et de l’écologie des mammifères marins fait progresser la compréhension des océans du monde et de ses principaux prédateurs. Elle permet de prédire comment ces espèces seront affectées par les futurs changements climatiques.
Finalement, ces connaissances sont essentielles pour élaborer une politique fondée sur des données probantes afin de protéger les animaux et leurs habitats face aux pressions anthropiques.
AniBOS approuvé par tous
AniBOS a été officiellement reconnu en 2020 en tant que réseau GOOS. De plus, en octobre 2021, il a été approuvé en tant que projet faisant partie de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable 2021-2030.
Le Dr Michelle Heupel, directrice de l’IMOS souligne : « Cette initiative dirigée par l’IMOS garantira que les données issues des efforts de suivi des animaux seront utilisées plus largement dans l’observation des océans, et finalement intégrées dans les modèles océanographiques, rendant les données de suivi des animaux plus pertinentes pour les efforts mondiaux d’observation des océans ».