La NASA vient de lancer une mission innovante pour mieux comprendre le climat terrestre, en particulier aux pôles. La mission PREFIRE (Polar Radiant Energy in the Far-InfraRed Experiment), en collaboration avec l’Université du Wisconsin-Madison, vise à mesurer l’énergie infrarouge lointaine émise par la surface et l’atmosphère de la Terre. Ce projet comble une lacune cruciale dans les données climatiques pour ces régions particulièrement sensibles aux variations climatiques. Les pôles jouent un rôle significatif dans l’équilibre énergétique de la Terre. Les informations amélioreront les modèles climatiques actuels.
par Laurie Henry
Photo de couverture : Illustration d’artiste des deux cubesats PREFIRE de la NASA en orbite autour de la Terre. © NASA/JPL-Caltech
La compréhension des mécanismes climatiques est essentielle pour anticiper les impacts du changement climatique. Les régions polaires, sensibles aux variations environnementales, jouent un rôle crucial dans la régulation de l’énergie terrestre. Grâce à des satellites CubeSats, le projet PREFIRE fournira des informations sur les dynamiques énergétiques des pôles.
Lancement et objectifs de la mission PREFIRE
La première partie de la mission PREFIRE a été lancée avec succès par Rocket Lab le 28 mai 2024, depuis son site de lancement situé à Mahia Peninsula, en Nouvelle-Zélande. Initialement prévu plus tôt dans l’année, il a été reporté en raison de conditions météorologiques défavorables.
Le jour du lancement, la fusée Electron transporta le premier satellite PREFIRE vers l’espace. Après un vol de 8 minutes, le satellite a été déployé avec succès en orbite terrestre basse, à environ 525 kilomètres d’altitude. Quelques minutes plus tard, le satellite a commencé à émettre des signaux, confirmant son bon fonctionnement. Le deuxième CubeSat a été lancé avec succès le 5 juin 2024, également depuis la base de lancement de Rocket Lab à Mahia Peninsula. Cette fois, il était associé à une autre mission, Ice, axée sur l’étude de la glace.
Tandis que les satellites PREFIRE se concentreront sur la mesure des radiations infrarouges lointaines, la mission ICE se consacrera à l’étude de l’épaisseur et du mouvement des glaces polaires. Ensemble, ces missions offriront des données critiques pour améliorer les modèles climatiques et comprendre les interactions complexes entre la radiation infrarouge et la dynamique des glaces. Cette collaboration renforcera la capacité des scientifiques à prévoir les effets du changement climatique sur les pôles, contribuant ainsi à des stratégies d’adaptation plus efficaces.
La NASA et l’Université du Wisconsin-Madison ont développé conjointement la mission PREFIRE. Le Jet Propulsion Laboratory de l’agence, situé en Californie du Sud, gère la mission pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA et a fourni les spectromètres. Blue Canyon Technologies a construit les CubeSats et l’Université du Wisconsin-Madison traitera les données collectées.
Les satellites jumeaux et leurs mesures
Ainsi, la mission PREFIRE utilise deux CubeSats jumeaux qui orbiteront autour des pôles terrestres. Comme leur nom l’indique, il s’agit de petits satellites cubiques, généralement de 10 cm de côté et pesant autour de 1 à 2 kg. Ils sont utilisés pour la recherche scientifique, les observations de la Terre, et les démonstrations technologiques, en raison de leur faible coût et de leur efficacité.
Les satellites de PREFIRE sont équipés de capteurs avancés capables de mesurer l’énergie infrarouge lointaine émise par la surface et l’atmosphère de la Terre. Cette région du spectre électromagnétique, qui comprend des longueurs d’onde de 5 à 50 micromètres, a été jusqu’à présent peu étudiée en climatologie. Or analyser l’énergie infrarouge émise par la Terre permet de comprendre combien de chaleur la Terre perd vers l’espace. Concrètement, cela correspond à mesurer la chaleur émise par la surface et l’atmosphère.
Les mesures recueillies par ces CubeSats jumeaux seront donc essentielles pour déterminer la quantité d’énergie solaire absorbée par la Terre et celle renvoyée dans l’espace. En capturant ces données, les scientifiques pourront mieux comprendre le budget radiatif de la Terre, un facteur clé dans le processus de réchauffement climatique. Un déséquilibre de ce bilan peut entraîner un réchauffement ou un refroidissement climatique.
De plus, ces satellites aideront également à appréhender le rôle des nuages et de la vapeur d’eau aux pôles terrestres. Selon les experts, les jours clairs et secs permettent à la chaleur de s’échapper, tandis que les jours nuageux et humides retiennent la chaleur. Le type et l’altitude des nuages influencent la quantité de chaleur retenue par l’atmosphère. Les nuages de basse altitude ont tendance à refroidir l’atmosphère, tandis que les nuages de haute altitude absorbent la chaleur, générant ainsi un effet de réchauffement. Les nuages de moyenne altitude peuvent avoir l’un ou l’autre effet en fonction de leur teneur en gouttelettes d’eau et en particules de glace.
Rocket Lab explique dans un communiqué : « La teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère, ainsi que la présence, la structure et la composition des nuages, influencent la quantité de rayonnement infrarouge lointain qui s’échappe dans l’espace depuis les pôles terrestres ».
Ces informations permettront ainsi d’affiner les modèles climatiques existants, offrant des prévisions plus précises sur l’évolution du climat global. En particulier, les données aideront à évaluer les impacts des changements climatiques sur les régions polaires, qui, rappelons-le, jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial en raison de leur capacité à réfléchir une grande partie de l’énergie solaire incidente. Les scientifiques pourront également analyser les effets sur les niveaux des mers et les écosystèmes marins.
Déploiement et fonctionnement des CubeSats
Les dernières mises à jour confirment le déploiement réussi des CubeSat PREFIRE. Ces deux satellites ont été conçus pour fonctionner en tandem, chacun suivant une orbite polaire synchrone pour maximiser la couverture de la surface terrestre. C’est pourquoi les satellites ont été lancés de manière séparée. Les scientifiques ont pu ajuster les paramètres orbitaux pour garantir cette couverture maximale.
En outre, en choisissant des trajectoires qui survolent les pôles, les CubeSats peuvent capturer des données précises sur les variations thermiques diurnes et nocturnes, ainsi que les changements saisonniers. Cette approche permet de collecter des mesures infrarouges détaillées à différentes heures de la journée et à divers moments de l’année, offrant une vue complète et dynamique des régions polaires.
De plus, l’utilisation de deux satellites est stratégique pour garantir la redondance et la fiabilité des données. En cas de défaillance d’un satellite, le second peut continuer à fournir des observations cruciales. Les capteurs avancés embarqués sur ces satellites mesureront la radiation infrarouge émise par la surface et l’atmosphère terrestre, une région du spectre électromagnétique jusqu’ici sous-explorée. Ces mesures rempliront une lacune critique dans les données climatiques actuelles, permettant une meilleure compréhension de l’équilibre énergétique de la Terre.
« Il est essentiel que nous obtenions correctement les effets des nuages si nous voulons modéliser avec précision le climat de la Terre », a déclaré Tristan L’Ecuyer, professeur à l’Université du Wisconsin-Madison et chercheur principal de PREFIRE. En améliorant la précision des prévisions climatiques, la mission PREFIRE aidera les décideurs à élaborer des stratégies d’adaptation et de mitigation plus efficaces face aux changements climatiques.