A l’occasion de la 3ème conférence des Nations Unies sur les Océans, les doctorants du Programme Prioritaire de Recherche Océan & Climat expriment leurs attentes et leur vision pour les sciences océanographiques.
Nous, jeunes chercheur·euse·s du Programme Prioritaire de Recherche Océan & Climat (Ifremer-CNRS), exprimons notre profonde inquiétude face à l’absence d’actions politiques à la hauteur des menaces qui pèsent sur l’océan.
Notre engagement dans la recherche marine a une double origine : l’émerveillement devant les beautés complexes de l’océan et la volonté de le protéger des pressions anthropiques. Certain·e·s d’entre nous entretiennent depuis longtemps un lien personnel avec l’océan. D’autres ont embarqué en prenant conscience de son rôle essentiel dans les équilibres planétaires qui rendent possible la vie sur Terre et dont dépendent les futurs de l’humanité.
Unir les disciplines et les savoirs pour comprendre et agir
Étudier l’océan, c’est découvrir un système où interagissent des processus physiques, biologiques et écologiques. C’est aussi observer, à une multitude d’échelles et de temporalités, des phénomènes sociologiques, anthropologiques et géopolitiques qui font s’entrecroiser les mondes humains et marins. Cette richesse de processus et d’interactions nécessite des recherches qui favorisent le dialogue et la coopération entre toutes les disciplines académiques : des sciences naturelles aux sciences humaines et sociales, en passant par le domaine des arts et langages. Nous nous engageons à prendre en compte les autres savoirs, locaux et traditionnels : ceux des travailleur·euse·s de la mer, ceux des habitant·e·s insulaires et des littoraux avec qui nous collaborons sur certains de nos terrains. Chaque jour, dans le cadre du PPR Océan & Climat, nous adoptons cette perspective collaborative et transdisciplinaire. Chaque jour, nous analysons le déclin des socio-écosystèmes marins. Dans un contexte où la science est attaquée, nous défendons une recherche de service public, collective et ouverte, aussi porteuse d’espoir pour préserver la diversité naturelle et culturelle des socio-écosystèmes marins.
De la recherche scientifique à l’action publique : un écho trop faible
Nos travaux contribuent à l’avancée des connaissances scientifiques, à la co-construction des savoirs entre disciplines et avec la société, ainsi qu’à la sensibilisation des nouvelles générations et de la société civile. Nous espérons aller plus loin. En prise avec l’urgence, nous souhaitons qu’ils soient à l’origine d’un véritable changement transformateur. Rares sont pourtant celles et ceux d’entre nous qui, en l’état, croient cela possible. La recherche joue un rôle essentiel: elle interroge, analyse, prouve, propose, et accompagne. Cependant, nous faisons le constat amer que, si la science est essentielle pour éclairer les débats, elle est loin d’être toujours écoutée. C’est parfois à peine si elle est consultée par les décideur·euse·s. Selon nous, l’enjeu principal pour affronter les crises environnementales n’est plus seulement un manque de connaissances scientifiques, mais surtout l’invisibilisation, si ce n’est le déni de ces savoirs. Dans un contexte dominé par certains intérêts économiques et politiques allant à l’encontre de la préservation du milieu marin et des vies humaines qui en dépendent, nous questionnons la portée réelle de nos recherches. En l’absence de volonté ambitieuse, nos travaux résonnent souvent davantage à une échelle locale que nationale ou internationale.
Changer de cap : écouter, protéger, agir
Nous demandons que les voix des scientifiques soient enfin écoutées. C’est pourquoi, dans la lignée de certains·e·s de nos prédécesseur·e·s, nous continuerons d’alerter sur ce qui est désormais une urgence. Les écosystèmes marins, de la surface aux grands fonds, sont détériorés et menacés par la surexploitation, les pollutions ainsi que le changement climatique. Ces pressions résultent en partie d’une gestion de l’océan qui ne profite qu’à quelques-un·e·s, au détriment du bien commun. Parce que les futurs des sociétés humaines en dépendent, nous appelons à un changement de cap dans la gestion des mers et des océans qui incarne et renforce l’idée d’un One Ocean unifié. Nous appelons à une transformation rapide des usages maritimes, où les pêches comme l’ensemble des activités en mer et sur le littoral intègrent pleinement la préservation de la biodiversité et l’équité d’accès aux ressources. Nous appelons à ce qu’à l’avenir, les aires marines protégées ne soient pas de simples lignes tracées sur une carte, mais qu’elles soient pensées de façon plus cohérente et efficace. Plus que jamais, nous pensons qu’il est essentiel que les décideur·euse·s soient à l’écoute des citoyen·ne·s : leurs propositions, questionnements et connaissances doivent être pris en compte.
Dans un contexte international où de grandes puissances reculent sur les engagements environnementaux et climatiques et où demeurent des incohérences au sein de politiques nationales, nous espérons que la troisième Conférence des Nations-Unies sur l’Océan (UNOC3) verra la communauté internationale prendre acte de la gravité de la situation et s’accorder pour une action à la hauteur des enjeux.
Un Programme Prioritaire de Recherche n’a de sens que si les décisionnaires sont aussi prêt·e·s à en relever les défis. Nous sommes prêt·e·s à les accompagner : il est temps de changer de cap.
Premiers doctorant·e·s signataires
ANDRÉ-DOMINGUEZ Pauline (CRAL-CESCO) ; CANAUX Mascha (3L.AM-CEFREM) ; CHAMPIOT-BAYARD Lena (LOCEAN) ; DELTEIL Mathieu (LOCEAN IPSL) ; FORTUN Lucie (AMURE) ; GERV AISE-VOLAIRE Clara (LISIS).
Autres signataires
BADILLO Mirna (LIENs), BARROS Johanna (LEGT), BETTINGER Simon (ESPACE-DEV), CONTINI Matteo (IFREMER), CUEFF-GAUCHARD Valérie (ingénieur de recherche microbiologiste), DALAUT Laureline (MARBEC), DELATTE Lise (MERSEA), DURAND Hugo (ASNR), GEINDRE Mila (GEO-OCEAN), GOUZIEN Corentin (LOMIC), GIRALT Maëlys (LIENs), MARTINEZ ALMOYNA Maud (LOPS), MATHOU Adrien (BOREA), MICHAUDET Ludivine (BEEP), MOHAMMEDI Amine (GÉOAZUR), MOLLIER Margaux (MARBEC), MUQUET Noémie (MARBEC), PERRIN Marie-Eve (SENS), POLLET Romane (LOV), RINTZ Cam Ly (BOREA), STAQUET Adrien (IRD), STELLA Adrien (LOPS), VAN LOENEN Ocea (LSCE & LOPS), ZRIBI Aline (LIENs).