L’espoir des récifs coralliens : entre constats et actions, l’équilibre à trouver

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océans et climat

Par Laurie Henry

La reconnaissance de patrimoine en péril de la grande barrière de corail est une grande nouvelle pour la pérennité des récifs coralliens du monde entier. Les constats s’accumulent concernant la dégradation de la biodiversité marine et terrestre, mais tous les scientifiques s’accordent à dire que les actions doivent suivre, surtout que nous avons encore les moyens d’agir pour empêcher, une disparition totale des coraux.

Biologiste et climatologue spécialisé dans les récifs coralliens, le professeur Ove Hoegh-Guldberg de l’Université de Queensland en Australie a été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme sur la menace que représentent le réchauffement et l’acidification des océans pour les écosystèmes marins, à la suite de ses recherches pionnières sur le blanchissement et la mortalité des coraux.

Concernant l’état des récifs coralliens à travers le monde, le constat scientifique est sans appel : ils ont tous régressé depuis quelques dizaines d’années. La trajectoire que nos sociétés prennent vis-à-vis du changement climatique et du réchauffement de la planète ne laisse guère de chance à ces écosystèmes. Avec une température augmentée de 2,5°C, 99% des coraux disparaitront.

Mais l’heure du constat est dépassée, affirme les chercheurs à l’unanimité. Les moyens d’agir sont connus et les voies d’espoir existent.

Attribution du statut de patrimoine mondial aux récifs coralliens du golfe d’Aqaba

Selon le Prof. Ove Hoegh-Guldberg, même si les actions sont encore peu nombreuses, la mise en place de mesures de protection plus fortes permettrait un nouveau souffle, comme pour le golfe d’Aqaba ou la grande barrière de corail. Son étude, récemment publiée dans le journal Frontiers et intitulée « Les récifs de l’espoir du golfe d’Aqaba : attribution du statut de patrimoine mondial aux récifs coralliens du golfe d’Aqaba, au nord de la mer Rouge», a été menée conjointement avec des universitaires de Jordanie, d’Allemagne, d’Australie, de Monaco, de Suisse, et d’Israël.

Les récifs coralliens de la mer Rouge sont en effet une riche source de nourriture, de moyens de subsistance, de protection côtière et de produits naturels, et font vivre des millions de personnes dans les pays bordant la mer. Selon cette étude, « les récifs coralliens hautement biodiversifiés de ce site du nord de la mer Rouge présentent une résilience unique au réchauffement climatique, qui pourrait être la clé de la préservation des coraux de la Terre alors que les températures des océans continuent de se réchauffer ».

Cependant, l’avenir de cette région est menacé non seulement par le changement climatique, mais aussi par la pollution, le développement côtier et la surpêche. Les récifs coralliens et la vie marine ne sont pas soumis aux frontières politiques. Des efforts de conservation urgents sont nécessaires aux niveaux régional et national, pour sécuriser les récifs coralliens uniques et résistants à la température du Golfe et leurs écosystèmes interdépendants (pour les générations futures).

Pour accomplir cet effort de conservation transfrontalier, les auteurs proposent que la région du golfe d’Aqaba, y compris certaines des eaux côtières de la Jordanie, d’Israël, de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, soit inclues sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. Tout comme la grande Barrière de Corail.

La grande barrière de corail, bientôt sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’UNESCO

Au nord-est de la côte australienne, le plus grand ensemble corallien du monde offre, avec ses 400 espèces de coraux, ses 1 500 espèces de poissons et ses 4 000 espèces de mollusques, un spectacle d’une variété et d’une beauté extraordinaires et d’un haut intérêt scientifique. C’est aussi l’habitat d’espèces menacées d’extinction, comme le dugong et la grande tortue verte.

La Liste du patrimoine mondial en péril de l’UNESCO est conçue pour informer la communauté internationale des conditions qui menacent les caractéristiques mêmes pour lesquelles un bien a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial, et pour encourager des mesures correctives.

En juillet 2021, le Comité du patrimoine mondial a demandé à l’Australie de soumettre un rapport mis à jour sur l’état de conservation du récif et d’inviter une mission de surveillance experte à visiter le récif et à évaluer son état de conservation.

A l’issue de cette mission, l’ONU a conclu que le plus grand système de récifs coralliens au monde devrait être placé sur une liste des sites du patrimoine mondial en danger. Plus précisément, le changement climatique présente un « sérieux défi » aux valeurs qui ont vu le récif inscrit comme une merveille mondiale en 1981.

Les progrès pour réduire la pollution des eaux du récif par l’agriculture et le pâturage sont trop lents et davantage d’investissements sont nécessaires pour atteindre les objectifs de qualité de l’eau, selon le rapport de la mission.

Nécessité d’actions contre le changement climatique

Mettre des milieux sous protection est la première étape pour les préserver surtout lorsqu’il s’agit de zones refuges, résilientes face au changement climatique.

Une nouvelle étude (A. Greiner et al., 2022) de la Wildlife Conservation Society (WCS) de l’Université de Toronto et du Conseil national de recherches d’Italie, a mis en lumière les « spots d’espoir » des récifs coralliens dans le monde. Les résultats montrent que les récifs résistants au climat sont connectés dans des réseaux sous-marins invisibles reliés par de minuscules coraux larvaires qui se déplacent d’un récif à l’autre sur les courants océaniques. Ces réseaux ont la capacité de survivre et de réensemencer la biodiversité des océans, même après des événements de blanchissement de masse prévus par le changement climatique.

Ariel Greiner, doctorant à l’Université de Toronto et premier auteur, déclare dans un communiqué : « Nos résultats montrent à quel point il est crucial de comprendre les réseaux de récifs coralliens et comment ils peuvent être affectés par le changement climatique, lors de la conception de futures stratégies de conservation des récifs coralliens ».

Elle conclut : « En particulier, cette étude révèle que ces réseaux de récifs coralliens peuvent aider à maintenir les bastions des récifs coralliens et que des récifs supplémentaires ‘tremplin’, des récifs qui servent de voies de dispersion des larves entre les bastions des récifs coralliens, seront nécessaires pour préserver le reste de l’habitat mondial des récifs coralliens ».

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