[Vendée Globe 2024 – #2] – En réponse aux engagements environnementaux du Vendée Globe, certains skippers se sont attelés aux premiers déploiements d’instruments scientifiques. Et à en juger par les vidéos prises du bord, on mesure à la fois la conviction des skippers à servir la recherche scientifique et les contraintes et les risques associés à ces déploiements en pleine mer. Quels sont ces instruments ? Où ont eu lieu les déploiements ? Quels sont les protocoles à respecter pour les skippers ? A quoi serviront ces mesures ? On vous dit tout sur ces premières manœuvres qui ont marqué cette seconde semaine de course.
Partenaire scientifique du Vendée Globe, océans connectés accompagne le parcours de cette édition 2024 d’éclairages scientifiques liés aux océans. Chaque semaine, nous mettrons ainsi en lumière les particularités océaniques traversées par les skippers et les faits marquants de l’engagement de certains d’entre eux pour la science.
par Carole Saout-Grit
Photo de couverture : bouée dérivante embarquée par le skipper Manuel Cousin sur son bateau Coup de Pouce et déployée le 18 novembre 2024. (crédit : Manuel Cousin)
Une première série de bouées de surface dérivantes
Cette semaine, le bal des déploiements d’instruments scientifiques a débuté. Cinq bouées de surface dérivantes fournies par Météo-France ont été déployées par huit skippers durant leur trajet, à des latitudes très précises comprises entre 24°N et 19°N de latitude. Lors de la réception des bouées avant le départ du Vendée Globe, chaque skipper avait reçu des consignes précises sur le protocole de déploiement ainsi que sur la position géographique exacte à viser pour la mise à l’eau. Arnaud Boissières (La Mie Câline), Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer), Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group) ont ainsi débuté les déploiements, suivis dans les jours suivants par Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement) et Manuel Cousin (Coup de pouce).
Les vidéos reçues du bord confirment que ces bouées ne sont pas faciles à déployer. D’un poids moyen de 20 kilogrammes pour un diamètre sphérique de 400 millimètres de diamètre, chacune doit être jetée par-dessus bord avec précaution. Une fois à l’eau, elle part à la dérive pour être transportée par les courants marins.
Chaque bouée dérivante est équipée d’un récepteur GPS, d’un capteur de température de surface de la mer, d’un capteur de pression barométrique, d’un capteur de présence Drogue, d’un système de positionnement GPS et d’un système de communication par satellite Argos ou Iridium pour la transmission des données. Une ancre flottante en forme de chaussette est liée à la bouée par un long câble et reste à la traine derrière celle-ci pour lui permettre de dériver.
Un réseau international depuis 1985
Les mesures faites par ces bouées dérivantes de surface contribuent à un programme international, baptisé DBCP (Data Buoy Cooperation Panel en anglais).
Organe officiel conjoint de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et de la Commission océanographique intergouvernementale (COI) depuis 1985, ce programme permet d’accroître la quantité, la qualité et l’actualité des données atmosphériques et océanographiques dans les zones océaniques, afin d’améliorer les prévisions météorologiques et océaniques à l’échelle mondiale et de contribuer à l’étude du climat et à la recherche océanographique.
Ce programme DBCP couvre en réalité deux réseaux de deux types de bouées dérivantes : les bouées dérivantes (comme celles déployées pendant le Vendée Globe) et les bouées amarrées fixes, ainsi que le réseau de bouées amarrées tropicales (comme le réseau PIRATA).
Les objectifs du DBCP sont d’examiner et analyser les besoins en matière de données de bouées, de coordonner et faciliter les programmes de déploiement pour répondre aux besoins du réseau, et de soutenir l’échange d’informations et le développement technologique. Les scientifiques investis dans ce programme international travaillent également à améliorer la quantité et la qualité des données de bouées distribuées sur le système mondial de télécommunications (SMT), à lancer et soutenir des groupes d’action tout en assurant la liaison avec les organismes et programmes internationaux ou nationaux compétents.
Depuis 1995, la conception scientifique du réseau mondial de bouées dérivantes de surface prévoyait à l’origine l’entretien de 1250 bouées dans le monde entier afin d’étalonner les données satellitaires relatives à la température de surface de la mer. Une bouée était nécessaire, environ tous les 500 kilomètres sur l’ensemble de l’océan mondial, pour étalonner et valider les satellites existants et nouveaux.
Les données haute fréquence des bouées dérivantes sont transmises en temps réel, gratuitement, à la communauté scientifique mondiale. Elles servent à alimenter des services opérationnels et sont essentielles pour améliorer les prévisions météorologiques mondiales et régionales ou le suivi du changement climatique. À ce jour, on estime qu’environ 1000 publications scientifiques ont été publiées grâce à l’exploitation scientifique des données de bouées dérivantes.
Des défis multiples pour le futur
Bien que le réseau DBCP de plus de 1 250 bouées dérivantes et 400 bouées amarrées ait été achevé en 2005, il reste des défis à relever pour maintenir et améliorer le réseau.
Parmi ces défis, on peut noter le besoin de mettre le programme à niveau et d’encourager l’ajout de baromètres sur les bouées dérivantes qui n’en possèdent pas. La mesure de la pression atmosphérique est importante pour les prévisions météorologiques et se fait à l’aide d’un port barométrique. Le plus grand nombre de bouées doit donc en être équipé, en se concentrant sur les hautes latitudes et les zones océaniques éloignées.
Une autre réalité est que le réseau de bouées n’est pas uniformément dispersé sur l’ensemble de l’océan, en raison des difficultés de déploiement des bouées dans des zones très éloignées (en particulier dans l’océan Austral) et parce que les bouées, suivant les courants, dérivent rapidement hors de certaines zones ou convergent vers d’autres zones. Il s’agit là d’un défi majeur pour le DBCP d’identifier de nouvelles possibilités de déploiement pour aboutir à une dispersion la plus uniforme possible sur tous les océans du monde.
Enfin, le DBCP a mis en place un programme permanent de développement et de test de nouveaux capteurs et de nouvelles utilisations des bouées dérivantes. Les phases d’innovation et de développement technologiques pour accompagner les objectifs scientifiques d’une meilleure connaissance de l’océan et de son rôle dans le climat global de la planète.