EXTRAPLAC ou comment la France agrandit son espace maritime en s’appuyant sur la science

24/11/2023

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Le domaine maritime actuellement sous juridiction française occupe une superficie de plus de 10 millions de km2. Ces espaces, répartis autour du territoire métropolitain et en outre-mer, s’étendent sur une largeur de 200 milles nautiques au-delà des côtes, constituant la Zone Économique Exclusive (ZEE) et le plateau continental. En 2002, et sous la coordination d’un comité de pilotage interministériel, la France a mis en place le programme EXTRAPLAC pour étendre son domaine maritime au-delà de ces limites, et se réserver le droit de protéger plutôt que d’exploiter les ressources de ces vastes espaces sous-marins.

 

UN ENJEU GÉOPOLITIQUE POUR LES FONDS SOUS-MARINS

Adoptée à Montego Bay (Jamaïque) en 1982, la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) définit le droit international pour la mer. Elle introduit le concept de zone économique exclusive (ZEE) selon lequel chaque État côtier, au-delà de la mer territoriale adjacente à sa côte (12 milles marins) dispose d’un espace maritime pouvant aller jusqu’à 200 milles marins de sa côte (environ 370 km), sous réserve de délimitation avec des États voisins. L’État côtier y exerce sa juridiction en matière de protection de l’environnement et y dispose de droits souverains d’exploitation des ressources à la fois du sous-sol et des eaux surjacentes (ressources halieutiques en particulier).

Cette convention, au travers de son article 76, reconnait également le droit des États à étendre leur plateau continental bien au-delà de cette limite des 200 milles marins. Cette extension – jusqu’à 350 milles (650 km) maximum – concerne uniquement le sol et le sous-sol marins dans le prolongement naturel des terres émergées, les eaux surjacentes restant quant à elles du domaine international. Elles se différencient en cela de la ZEE qui, elle, inclut la colonne d’eau.

Dans ces zones de plateau continental, les États côtiers disposent, au titre de la CNUDM, de droits souverains pour l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles du sol et du sous-sol : hydrocarbures, minéraux, métaux ou ressources biologiques. La CNUDM prévoit par ailleurs le partage des richesses du plateau continental au-delà des 200 milles marins avec les pays signataires, en particulier ceux en voie de développement ou sans accès à la mer. L’exploitation et la protection de ces espaces sous-marins, riches de ressources potentielles mais également d’une biodiversité encore mal connue, constituent donc de futurs défis pour les États et les scientifiques.

La CNUDM a mis en place la Commission des limites du plateau continental (CLPC) chargée d’étudier les dossiers de demande d’extension du plateau continental déposés par les États côtiers.

La CNUDM a également créé le Tribunal international du droit de la mer (TIDM). Enfin, la CNUDM a permis la création de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), pour gérer les ressources des espaces maritimes au-delà de la juridiction nationale, déclarée patrimoine commun de l’humanité (cet espace est appelé « la Zone »). Depuis 1982, 168 États ainsi que l’Union européenne ont ratifié cette Convention.

 

 

DES CAMPAGNES OCÉANOGRAPHIQUES ET UNE ANALYSE SCIENTIFIQUE DES LIMITES DU PLATEAU

Une extension du plateau continental peut être revendiquée à condition que les fonds marins répondent à des critères de prolongement naturel et de continuité géologique et morphologique depuis les terres émergées. Pour élaborer les demandes d’extension conformément à ces critères, la France a mis en place en 2002 un programme national dédié baptisé EXTRAPLAC (EXTension RAisonnée du PLAteau Continental), coordonné par un comité de pilotage interministériel et placé sous la responsabilité du Secrétariat général de la mer, dépendant du Premier ministre.

Les travaux d’EXTRAPLAC sont multiples et commencent avec l’acquisition de mesures en mer. Les données indispensables pour l’argumentation des dossiers sont par conséquent les données de bathymétrie et les données sismiques. Plus ponctuellement, la réalisation de prélèvements de roches a pu concourir aux argumentaires, ainsi que les données de gravimétrie, de magnétisme et de sondeur de sédiments. Après l’analyse des données, vient la préparation et le dépôt des dossiers de demandes auprès de la CLPC, suivi de l’examen par cette Commission.

De nombreuses campagnes océanographiques ont donc été réalisées dans le cadre d’EXTRAPLAC avec un objectif principal de mesures bathymétriques. Celles-ci sont collectées à l’aide de sondeurs acoustiques multifaisceaux, qui fonctionnent sur le principe d’émission et réception d’ondes sonores. Les temps de trajet aller-retour entre le sondeur et le fond marin sont traduits en termes de profondeur.  Ces données bathymétriques sont analysées par les scientifiques pour déterminer la limite extérieure du plateau continental.

Depuis le premier dépôt en 2006, le programme EXTRAPLAC a préparé et soumis les demandes pour onze zones du domaine maritime français. Au terme du processus d’instruction des premiers dossiers soumis entre 2006 et 2009, la France avait obtenu des recommandations de la CLPC pour les limites extérieures de son plateau continental au-delà de 200 milles au large de la Guyane (72.000 km2), de la Martinique et la Guadeloupe (8000 km2), de la Nouvelle-Calédonie (76.000 km2) et des îles Kerguelen (423.000 km2).

Principe de fonctionnement d’un sondeur acoustique multifaisceaux ©Abadi et Viala, 2018

 

UN ÉLARGISSEMENT JUSQU’À 3 FOIS LA SUPERFICIE DU TERRITOIRE MÉTROPOLITAIN

En 2020, la CLPC a permis à la France d’élargir son plateau continental au large des îles de La Réunion (58.000 km2) et de Saint-Paul et Amsterdam (Terres australes et antarctiques françaises, 93.000 km2), lui permettant ainsi d’étendre son domaine sous-marin de 151.000 km2, soit l’équivalent de plus d’un quart de la superficie de l’hexagone.

Extension du plateau continental au large de l’île de La Réunion © EXTRAPLAC

Au total, le plateau continental étendu de la France atteint à ce jour une surface de 730.000 km2, qui s’ajoutent aux 10,2 millions de km2d’eaux sous souveraineté (eaux intérieures et mer territoriale) ou sous juridiction (ZEE) françaises. La France peut encore prétendre à environ 500.000 km2 de plateau continental au titre des dossiers actuellement en attente d’examen par les Nations Unies, ce qui lui permettrait d’augmenter son domaine maritime de près de 3 fois la superficie du territoire métropolitain. L’ensemble des limites extérieures du plateau continental peut être consulté sur le portail national des limites maritimes, site de référence pour la publication de l’information officielle des délimitations maritimes françaises.

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