Cap au Cap !

29/11/2024

7 minutes

Vendée Globe 2024

[Vendée Globe 2024 – #3] – Alors que la tête de la course s’apprête à franchir le premier Cap de Bonne Espérance, zoom sur le projet BONUS-GOODHOPE. Un projet océanographique inédit et ambitieux né en 2008, qui a permis de relier les continents d’Afrique et Antarctique en mettant à découvert pour la première fois un océan Austral jusqu’ici peu exploré et peu connu.

Partenaire scientifique du Vendée Globe, océans connectés accompagne le parcours de cette édition 2024 d’éclairages scientifiques liés aux océans. Chaque semaine, nous mettrons ainsi en lumière les particularités océaniques traversées par les skippers et les faits marquants de l’engagement de certains d’entre eux pour la science.  

par Carole Saout-Grit

Photo de couverture : Navire océanographique Marion Dufresne en route vers l’océan Austral durant la campagne BONUS-GOODHOPE 2008 © Sabrina Speich

Un projet international d’envergure  

C’est à l’occasion de l’année 2008, déclarée Année Polaire Internationale, que nait un projet océanographique à la fois inédit et ambitieux. Le programme BONUS-GOODHOPE fédère alors 27 laboratoires et instituts internationaux, soutenu en France par le CNRS, INSU, l’ANR, l’IPEV, Ifremer et l’IRD.

L’objectif est l’étude approfondie des interactions complexes entre la dynamique océanique et les cycles biogéochimiques dans l’océan Austral. On doit répondre aux questions encore ouvertes sur l’état moyen, la variabilité et le rôle dans la circulation océanique globale et sur l’état du climat actuel d’une région océanique très vaste, éloignée et hostile, jusqu’ici extrêmement pauvre en observations.

BONUS-GOODHOPE marque la mise en place du premier réseau de mesures à long terme dans l’océan Austral, le long d’une radiale reliant les continents dAfrique et Antarctique. La campagne océanographiqu sera menée du 4 février au 24 mars 2008 à bord du navire de recherche océanographique Marion Dufresne. Vingt-cinq chercheurs explorent, pendant six semaines, cette zone inconnue allant du Cap de Bonne Espérance  jusqu’à 57° 33′ de latitude sud dans l’océan Austral, le long du méridien de Greenwich.

Tracé de la campagne BONUS-GOODHOPE (en rouge) reliant le Cap en Afrique du Sud à 57° 33′ S dans l’océan Austral, le long du méridien de Greenwich. © BONUS-GoodHope IPY 2008

Grâce à une collaboration internationale et pluridisciplinaire entre physiciens, biogéochimistes et modélisateurs, BONUS-GOODHOPE incarne une avancée significative pour la science océanographique. Elle a ouvert de nouvelles perspectives sur les mécanismes globaux régissant les océans et leur rôle dans le système climatique mondial. La richesse des données collectées fait de cette campagne une grande première dans l’océan Austral, tant par le volume que par la diversité des paramètres chimiques, biologiques et physiques mesurés simultanément. L’intégration de ces données via des outils de modélisation numérique offre aujourd’hui une vision inédite de cet environnement complexe.

En France, le programme a été coordonné par Sabrina Speich, professeure au département de Géosciences de l’École Normale Supérieure (ENS-PSL) et chercheuse au Laboratoire de météorologie dynamique. Lauréate de la Médaille Albert Defant 2019, la climatologue est depuis longtemps investie dans des comités des Nations Unies qui coordonnent l’observation du climat et des océans. Elle copréside aujourd’hui le programme  Ocean Observation Physics and Climate panel  (OOPC) sous l’égide des Nations Unies et de lOrganisation Météorologique Mondiale. 

Sabrina Speich. © BONUS-GoodHope IPY 2008

Des campagnes océanographiques pluridisciplinaires pour des mesures précieuses

Une campagne en mer est souvent un projet pluridisciplinaire. Physiciens, chimistes, biologistes embarquent sur le même navire pour une durée parfois longue (jusqu’à 2-3 mois) afin de collecter des échantillons d’eau, d’espèces chimiques et d’organismes vivants et faire des séries de mesures en mer tout au long du trajet.

Dans certaines régions, les courants sont parfois violents et très variables selon les saisons. Les physiciens ont donc besoin de faire des mesures de température, salinité, oxygène entre la surface et les grandes profondeurs, jusqu’à 6000 mètres. Pour quantifier ces courants, ces mesures se font jour et nuit et les équipes se relaient en trois quarts de 8H pour assurer les manipulations 24H/24.

La collecte en mer se fait grâce au déploiement d’un appareil dédié appelé « bathysonde » et équipé de capteurs de pression, température, salinité, oxygène et de bouteilles de prélèvement d’eau de mer montées en couronne sur une cadre appelé rosette. L’ensemble pend au bout d’un câble capable de conduire un signal électrique et qui se déroule jusqu’au fond bouteilles ouvertes. C’est à la remontée du câble que les bouteilles seront progressivement fermées à des profondeurs cibles.

Préparation de la descente de la bathysonde à bord du navire Pourquoi Pas? durant la campagne OVIDE 2018 © Pascale Lherminier, Ifremer

Les navires océanographiques sont également dotés de véritables laboratoires à bord, permettant la visualisation et l’exploitation en direct des données collectées. Certains laboratoires sont également dédiés aux analyses chimiques et biologiques sur les échantillons de mer prélevés, ainsi qu’à leur conservation parfois nécessaire jusqu’au retour au port.

Des campagnes d’opportunité complémentaires à la recherche océanographique

Pour prendre le pouls de l’océan, les navires océanographiques ne sont pas les seuls à collecter des données en mer. Voiliers, bateaux de plaisance, de commerce ou de croisière, cargos, bâtiments de la Marine Nationale peuvent également récupérer des échantillons ou mesurer des paramètres physiques ou chimiques de l’océan.

Alors que les campagnes océanographiques définissent une destination précise au service d’une question scientifique bien définie, ces « navires d’opportunité », dont la vocation première n’est pas de faire de la recherche, profitent de leurs expéditions en mer pour collecter des données au gré de leur voyage.

Les skippers du Vendée Globe sont une belle illustration de cet engagement volontaire pour la science. Certains d’entre eux déploient une grande variété d’instruments océaniques au gré de leur course : des bouées Météo la semaine passée, des flotteurs autonomes Argo dont un déployé cette semaine pour Yoann Richomme (Paprec Arkéa) et Sam Goodchild (Vulnérable).

Des actions très complémentaires aux opérations menées par les océanographes, et qui s’avèrent utiles pour compléter les réseaux de mesure en mer en particulier dans cet océan Austral éloigné et peu exploré.

Zone de largage ciblée pour le déploiement des flotteurs Argo durant le Vendée globe 2024. Située entre 20° et 40° de latitude sud, avant le passage du Cap de Bonne Espérance, cette région où la densité de flotteurs Argo est plus faible, est cruciale pour enrichir la compréhension des dynamiques océaniques globales. © Pelle Robbins / Woods Hole Oceanographic Institution Argo


Lire le portrait de Sabrina Speich 

Lire le numéro spécial sur les résultats du programme BONUS-GOODHOPE 

Lire l’article « Des campagnes d’opportunité compléments à la recherche océanique » 

Voir le Déploiement en mer d’un flotteur Argo par les skipper Yoann Richomme (Paprec Arkéa) et Sam Goodchild (Vulnérable) sur le Vendée Globe les 26 et 28 novembre 2024. 

ces événements pourraient vous intéresser... tout voir