La haute mer, un monde non déclaré

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Pour les initiés

chiffres clés

La haute mer couvre près de la moitié de la surface planétaire et 64 % des océans. La majeure partie du monde n’appartient à aucune nation et cette surface sans propriétaire est principalement aquatique. Elle nécessite aujourd’hui d’avoir un cadre juridique qui permette sa gestion et son développement durables pour les décennies à venir.

 

Source : National Geographic

Des zones délimitées de la côte vers le large

Les eaux internationales commencent généralement à 370 km à partir de la ligne de basse mer de la côte d’un pays, c’est-à-dire de la limite atteinte par la mer à marée basse.

Avant cette limite, se trouve la “Zone économique exclusive” (ZEE) qui à la différence des “eaux territoriales” qui s’étendent jusqu’à seulement 22 km des rives, ne sont détenues par personne et peuvent être exploitées par les propriétaires des eaux territoriales afférentes. Compte-tenu de la présence de pétrole, gaz et autres ressources nombreuses qui se trouvent notamment dans les fonds marins, ces ZEE sont des atouts précieux pour une gestion durable et raisonnée de ces ressources.

Source : SHOM

 

Des réglementations existantes mais incomplètes

Dans les eaux nationales, la biodiversité côtière et marine est protégée par de nombreux accords internationaux, notamment la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ou la Convention sur la diversité biologique.

Pour l’océan du grand large, pollution, surpêche et exploitation d’hydrocarbures mettent à mal ces écosystèmes fragiles situés au-delà des 200 miles marins et des frontières nationales. C’est pour cela que les fonds de la haute mer ont été déclarés “Patrimoine commun de l’humanité” en 1994 par l’Autorité internationale des fonds marins, créé sous l’égide de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. En cela, cette déclaration acte l’impossibilité de s’en approprier les richesses.

Mais en l’absence d’une réglementation internationale contraignante, les contrôles sont inexistants en haute mer, menaçant la biodiversité marine de ces espaces qui hébergent une faune aquatique très riche et encore méconnue Autrement dit, au-delà des Zones économiques exclusives (ZEE) des États, le vide juridique persiste.

Une nouvelle grille de contrôle de la haute mer

De nombreuses études scientifiques soulignent la richesse mais aussi la vulnérabilité de la biodiversité marine dans les Zones Au-delà de la Juridiction Nationale (ZAJN) : monts sous-marins, cheminées hydrothermales ou récifs coralliens des eaux froides sont particulièrement fragiles. Pourtant, la haute mer demeure sans réglementation du point de vue de l’exploitation de ses ressources. L’absence d’une autorité internationale pousse aujourd’hui chaque État à faire sa propre police en haute mer, sous son propre pavillon.

Dans ce contexte, et pour faire face aux pressions anthropiques qui ne cessent de croître et aux conséquences du changement climatique qui continue à modifier les propriétés des eaux océaniques et d’impacter les écosystèmes qui y vivent, il est urgent de donner un cadre réglementaire à une exploitation raisonnée et durable des espaces relevant de la haute mer dont seulement 1% sont protégés aujourd’hui.

C’est tout l’enjeu des négociations actuellement en cours, officiellement lancées en 2004 par la création d’un groupe de discussion informel à l’Assemblée générale de l’ONU souhaitant échanger sur l’avenir de la haute mer. Ces négociations portent sur l’élaboration d’un accord spécialement consacré aux ZAJN, qui englobent deux aspects : d’une part, la colonne d’eau au-delà des ZEE, et d’autre part la zone internationale des fonds marins, soit le sol et le sous-sol de l’océan après les plateaux continentaux qui représentent environ la moitié de la planète.

 

Les discussions autour de cet accord se concentrent sur quatre points en particulier : les ressources marines génétiques, en particulier leur utilisation et le partage de leurs bénéfices; les études d’impact environnemental; le renforcement des capacités et transfert de technologie et les aires marines protégées.

Car au-delà des enjeux de partage des richesses et d’exploitation des ressources, l’enjeu environnemental est évidemment colossal. L’océan est au cœur des solutions contre le réchauffement climatique, puisqu’il en est le régulateur autant que le modérateur. Les scientifiques estiment en effet que depuis l’ère industrielle, l’océan a stocké plus de 25% du CO2 émis par nos propres activités humaines (lien vers article pompe à carbone) et qu’il a emmagasiné plus de 90% de l’excès de chaleur. Avec le risque d’une désoxygénation de l’eau au fur et à mesure de l’accélération d’un dérèglement climatique mettant l’océan à bout de souffle…

Un texte de loi est aujourd’hui une urgence pour la haute mer. Il doit permettre la mise en place de mesures contraignantes sur les activités humaines afin de donner une grille de contrôle de l’océan du grand large. C’est pourquoi en France et à l’initiative de nombreux députés, une proposition de résolution pour la conservation et l’utilisation durable de l’océan a fait l’unanimité à l’Assemblée nationale ce jeudi 25 novembre 2021. A la veille de nouvelles négociations ouvertes à l’ONU sur les ZAJN, ce texte doit être la première pierre à un nouvel édifice pour la conservation et l’utilisation durable de la haute mer.

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