L’éruption du volcan Hunga Tonga provoque des courants océaniques record et des fonds sous-marins remodelés

Dans le Pacifique Sud, l’éruption du volcan Hunga Tonga en 2022 a été marquée par des courants sous-marins record et des dommages significatifs sur les infrastructures de communication. Il aurait également pu causer l’aggravation du trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique. A l’heure actuelle, la communauté scientifique tente toujours de comprendre l’interaction entre ce phénomène volcanique exceptionnel et les océans, et son impact sur notre planète.

Par Laurie Henry

Une éruption historique

L’éruption extraordinaire du volcan Hunga Tonga, sous les îles de Hunga Tonga et Hunga Ha’apai dans le Pacifique Sud, a eu lieu le 15 janvier 2022. Elle a propulsé la communauté scientifique dans une course effrénée pour comprendre les implications d’un tel événement cataclysmique. Car il a provoqué l’éruption de gaz et de cendres jusqu’à 58 km dans la mésosphère, établissant un record en termes de hauteur de panache éruptif. Les images de l’explosion,visibles depuis l’espace, ont captivé l’attention mondiale, tandis que les répercussions de l’éruption se faisaient sentir bien au-delà des frontières de Tonga.

Image satellite de l’éruption de Hunga Tonga. © NASA

L’éruption a d’une part affectée les réseaux de communication sous-marins essentiels à notre connexion numérique. Mais elle a également déclenché un phénomène sous-marin d’une ampleur inédite, un tsunami mortel et des courants sous-marins d’une rapidité jamais enregistrée auparavant.

Alors qu’un groupe de chercheurs dévoilent les détails de cet événement cataclysmique, dans une publication de Science, l’impact des courants sous-marins rapides et la nécessité d’une préparation et d’une résilience accrues face à de tels phénomènes naturels se dessinent avec une acuité renouvelée.

Des courants sous-marins d’une vitesse stupéfiante

L’étude révèle des courants sous-marins propulsés à une vitesse stupéfiante de 122 kilomètres par heure jamais enregistrée, accompagnés d’une force destructrice sous-estimée. Cette vitesse est en effet supérieure de 50% aux précédents records de courants sous-marins. Elle a été déterminée grâce à une méthodologie innovante et précise. Les chercheurs du National Oceanography Centre (NOC) du Royaume-Uni ont exploité les données relatives aux dommages conséquents subis par l’archipel de Tonga sur ses câbles de télécommunication sous-marins et leurs infrastructures, l’isolant du reste du monde. L’heure exacte de la coupure a permis d’établir un lien direct avec l’éruption, indiquant que les courants avaient atteint les câbles environ 90 minutes après l’événement volcanique initial. Ces données ont fourni un cadre temporel précis pour les analyses et les études ultérieures sur cet épisode extraordinaire de l’activité naturelle.

Dr. Isobel Yeo, volcanologue au NOC et co-auteure principale de l’étude, met en exergue l’impératif de renforcer la surveillance des volcans subaquatiques. Nombre d’entre eux demeure dans l’ombre des radars scientifiques, laissant ainsi les communautés côtières et les infrastructures vitales vulnérables à d’éventuelles catastrophes. Néanmoins, les révélations issues de cette étude ne sont pas restées lettre morte et ont déjà été mises à profit par l’industrie des câbles sous-marins.

Des impacts sous-marins dévastateurs

L’éruption du volcan Hunga Tonga a provoqué en sus un déplacement de matière colossal dans l’océan, équivalent à la somme des apports annuels de tous les fleuves de la planète dans les bassins océaniques. Pour étudier les implications sur les écosystèmes environnants, l’équipe scientifique a combiné les informations sur les ruptures de câbles, des levés bathymétriques, des observations d’éruptions et des carottages rocheux.

Le volcan Hunga Tonga en éruption la veille des principales éruptions. © Taaniela Kula, Services géologiques des Tonga

Les chercheurs ont alors démontré que les roches et les cendres, éjectées lors de l’éruption du volcan, se sont effondrées verticalement dans l’océan. Ces matériaux se sont ensuite propagés sous forme de coulée de débris sous-marins, à la fois rapide et destructrice. Les résultats indiquent que le courant de densité sous-marin a voyagé plus de 100 kilomètres à travers le fond marin jusqu’à atteindre une vitesse impressionnante de 122 kilomètres par heure, remodelant significativement le fond marin.

Ces matériaux ont creusé des affouillements et des canaux, atteignant plus de 100 mètres de profondeur. Les espèces dépendant des habitats du fond marin pourraient être particulièrement impactées, avec des conséquences en cascade pour les prédateurs et les proies au sein de la chaîne alimentaire marine.

Des conséquences touchant la couche d’ozone

Cette éruption du volcan Hunga Tonga a non seulement provoqué des courants sous-marins d’une vitesse record, mais possiblement eu des implications sur la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique. En effet, selon les données du satellite Copernicus Sentinel-5P, le trou dans la couche d’ozone a atteint une taille de 26 millions de km² en septembre 2023, soit environ trois fois la taille du Brésil.

Les mesures du satellite Copernicus Sentinel-5P montrent le trou d’ozone cette année au-dessus de l’Antarctique. © Copernicus Sentinel/ESA

Certains chercheurs spéculent que les motifs inhabituels de l’ozone cette année pourraient être liés à l’éruption de ce volcan qui aurait injecté une grande quantité de vapeur d’eau dans la stratosphère, pour n’atteindre les régions polaires sud qu’après la fin du trou d’ozone 2022. Cette vapeur d’eau pourrait avoir entraîné une formation accrue de nuages stratosphériques polaires, où les chlorofluorocarbures (CFC) peuvent réagir et accélérer la diminution de l’ozone.

La présence de vapeur d’eau peut également contribuer au refroidissement de la stratosphère antarctique, renforçant davantage la formation de ces nuages et résultant en un vortex polaire plus robuste. Cependant, l’impact exact de l’éruption du volcan Hunga Tonga sur le trou d’ozone de l’hémisphère sud fait toujours l’objet de recherches en cours, en raison de l’absence d’observations récentes sur de telles quantités substantielles de vapeur d’eau directement injectées dans la stratosphère.