Astrolabe Expéditions : la science participative à la voile a le vent en poupe !

Astrolabe Expéditions anime un écosystème composé de navigateurs, de scientifiques et de techniciens tous mobilisés sur la recherche en sciences marines et la compréhension de l’océan. Embarqués dans la science participative, des plaisanciers collectent des données en mer lors de leurs propres voyages, des tropiques aux pôles, parfois dans des zones reculées. L’association équipe les navires, forme les équipiers et assure l’auto-fabrication des outils de recherche low-cost et open source via des fablabs participatifs et en partenariat avec des instituts de recherche.

par Marguerite Castel

 

14 000 voiliers de plaisance naviguent en permanence en secteur hauturier. Ils sont une vraie opportunité pour collecter des données à grande échelle sur l’océan.

Fort de ce constat, Cédric Courson a créé Astrolabe Expéditions en 2017 avec deux objectifs : développer une flotte internationale de voiliers océanographiques citoyens ; créer et mettre en place des programmes de sciences participatives sur les océans. Soient des formes de production de connaissances scientifiques qui impliquent des volontaires non professionnels.

Ces expéditions sont une aventure humaine et scientifique responsable. «On propose un protocole à des plaisanciers qui ne sont pas des experts mais ont tout à fait les capacités de compter et prélever », explique Charlotte Nirma, coordinatrice de projet chez Astrolabe Expéditions. La structure met en relation des scientifiques qui ont besoin de données, de mesures et d’observations avec des navigateurs motivés « qui veulent ajouter du sens à leurs voyages ».

Les instituts scientifiques (1) sont les garants de la problématique et de l’analyse des données et définissent, en co-construction les protocoles à déployer en mer. Les programmes portent sur différentes disciplines : océanographie physique, biologie marine, astronomie et géophysique. 

La recherche citoyenne mise en oeuvre par Astrolabe Expéditions © Astrolabe Expéditions

LE VOILIER DU PARTICULIER COMME OUTIL OCÉANOGRAPHIQUE 

Le programme Sensocean par exemple, consiste à observer les courants marins à grande échelle. L’enjeu scientifique est de mieux comprendre l’évolution de l’océan et des courants marins et leur impact sur le changement climatique. Actuellement, la plupart des mesures sont réalisées par des navires océanographiques et des stations fixes qui sont en général couteuses, limitées en nombre et présentent des difficultés à mesurer les paramètres physiques des eaux de surface.

Dans ce contexte, la vaste flotte de voiliers s’avère être un outil prometteur puisqu’ils peuvent fournir des mesures proches de la surface. Ils ont accès à des zones différentes de celles traversées par les navires de recherche et de commerce. Ils permettent d’augmenter considérablement la résolution spatiale et temporelle des mesures actuelles et de disposer d’une cartographie dynamique.

Le boitier thermosalinographe est autonome en énergie et simple d’utilisation à bord.

«On équipe les voiliers d’un petit boitier autonome qui va mesurer la température et la salinité de l’eau en temps réel et en continu. Il se fixe sur le balcon arrière du voilier et est autonome en énergie », précise Charlotte Nirma. Les données sont transmises régulièrement via internet lors des escales à la plateforme d’Astrolabe Expéditions. Elles sont ensuite analysées par les chercheurs partenaires (laboratoires LOPS et AMURE).

 PROTÉGER L’OCÉAN ET SERVIR LA SCIENCE

Environ 30 bateaux par an sont ainsi appareillés. L’un d’eux, Northabout, a mis le cap sur l’Islande en 2021. Tobias Carter, navigateur et bricoleur, a entrepris cette expédition Unumondo. Son objectif : témoigner de l’impact du changement climatique sur les communautés arctiques en réalisant un film documentaire L’appel de l’Arctique.

Il ne s’agissait pas directement d’océanographie, or le boîtier Sensocean a trouvé une place légitime à bord pour effectuer les mesures physiques des eaux de surface. Les données étaient transmises tout au long de la navigation pour être triées. « Les labos en ont peu sur les zones reculées où l’on s’aventure, c’est intéressant pour nous de participer à ces observations, cela nous aide à mieux comprendre le milieu dans lequel on évolue », témoigne Tobias Carter, « c’est aussi un bon levier pour sensibiliser les marins au changement climatique. Personnellement, j’ai appris beaucoup ». Il est déjà partant pour de nouveaux relevés sur la côte Est du Groënland dès l’été 2024 !

Au départ d’Antibes, en novembre 2023, quatre coéquipiers azuréens, préparent une Transatlantique . A bord de leur voilier Argos, durant 8 mois, ils embarqueront du matériel de prélèvement pour servir deux programmes d’études scientifiques, l’un sur les Sargasses l’autre sur le plancton. Astrolabe Expéditions les équipe et leur explique le protocole. Ces ex-étudiants sont en année de césure, leur motivation est double : protéger les océans et servir la science. « Grâce à notre savoir-faire en voile, on va enrichir les données, c’est un super moyen de fiabiliser les théories scientifiques ».

LE FABLAB LOW-COST, L’ENGAGEMENT CITOYEN À TERRE  

Pour assurer cet essor, l’association a mis en place un système d’auto-fabrication des outils de recherche au sein de Fablabs low-cost. La conception et le prototypage se font dans ces petites ruches d’innovation sous la caution des instituts de recherche. Derniers nés : le thermosalinographe de Sensocean et la sonde CTD (conductivity temperature depth) du programme Littobs (en cours en zone littorale de la mer d’Iroise).

Dans les fablabs low-cost « on conçoit, on fabrique, on prototype » les instruments de recherche en se conformant au protocole des instituts.

Le réseau de laboratoires ouverts permet une autre synergie participative à terre. De Paris à Brest via Nice, Concarneau et Rennes, des citoyens de profil ingénieur-bricoleur et scientifique mobilisent leur savoir-faire pour fabriquer les instruments et se conformer aux protocoles. Ils disposent de matériel en électronique, mécanique, biologie et chimie, pour créer les kits de mesures attendus. « On conçoit, on fabrique, on prototype, on veut démontrer la fiabilité de la science participative » assure l’association qui anime le circuit.

Ce crédit sera acquis lorsque les résultats des expéditions seront aboutis et publiés. Patience, une base de données open source est en cours. Le temps de la recherche est plus long que celui de la navigation !

 

1-Les instituts scientifiques partenaires : LOCEAN (océanographie et climat), LOPS (océanographie physique littorale), Ifremer (Institut pour la recherche et l’exploitation de la mer) et AMURE (droit et d’économie de la mer)

2-Open source : terme désignant toute méthode dont les sources (origines) pour les créer sont libres d’accès, réutilisables et modifiables.