Le fonctionnement d’un système complexe de courants océaniques comme l’AMOC en Atlantique Nord pourrait redessiner le climat mondial. Entre signaux contradictoires et incertitudes des modèles, chercheurs et climatologues s’interrogent sur leur variabilité naturelle et celle entrainée par le dérèglement de certains équilibres comme le changement climatique. Dans ce contexte, renforcer l’efficacité des outils numériques de prévision est une nécessité pour mieux prévoir et anticiper les conséquences de possibles dérèglements.
par Laurie Henry
Photo de couverture : Le Gulf Stream, principal courant de surface de l’Atlantique Nord, fait partie de l’AMOC, une boucle océanique bien plus vaste. © NASA
Les modèles climatiques sont au cœur des décisions politiques en ces temps de crise environnementale. Ils dessinent des prévisions sur la montée du niveau des mers, l’intensité des canicules ou encore la redistribution des précipitations. Pourtant, leur capacité à reproduire certains phénomènes clés dans un système aussi vaste et complexe que l’océan interroge.
C’est le cas pour l’AMOC (pour Atlantic Meridional Overturning Circulation), un système de courants atlantiques dont la stabilité influence l’équilibre climatique global. Si le dernier rapport du GIEC estime son affaiblissement « très probable » au XXIe siècle, des écarts persistent entre données observées et simulations, semant le doute sur la fiabilité des prévisions. Dans leur récente publication parue dans Philosophical Transactions of the Royal Society A, G. D. McCarthy (Maynooth University) et L. Caesar (Université de Brême) analysent ces divergences et soulignent l’urgence de mieux comprendre la dynamique réelle de l’AMOC pour renforcer la fiabilité des projections climatiques.
Un système océanique clé très complexe
Gigantesque système de courants océaniques, l’AMOC agit comme un transporteur mondial de chaleur. Dans l’Atlantique, il est le principal véhicule de transport des eaux tropicales chaudes de surface vers les hautes latitudes de l’hémisphère nord, où elles seront refroidies et plongeront dans les profondeurs par effet de densité pour revenir vers le Sud.
Cette redistribution de la chaleur par les grands courants marins, de la surface au fond et du pôle Nord au pôle Sud, joue un rôle central dans la régulation du climat planétaire et agit comme un cycle sans fin. Sans l’AMOC par exemple, des régions comme l’Europe du Nord seraient bien plus froides. « Les climats maritimes d’Europe occidentale sont en moyenne 5°C plus doux que ceux du Pacifique à latitude équivalente grâce à cette circulation », rappellent les auteurs. C’est grâce à l’apport constant de chaleur par l’AMOC que des ports comme Murmansk, au-delà du cercle polaire, restent libres de glace en hiver.
Si ce « chauffage central » de l’hémisphère nord est aujourd’hui scruté avec inquiétude, c’est parce que les modèles climatiques prévoient depuis les années 1980 qu’un réchauffement dû aux émissions de CO₂ pourrait affaiblir cette circulation. La fonte de glace au Groenland et un apport accru d’eau douce dans l’Atlantique Nord pourraient perturber la formation des eaux profondes, motrice de l’AMOC.