Les mangroves sont des écosystèmes essentiels à la stabilité des littoraux dans les tropiques, et en Guyane française en particulier où elles couvrent près de 90% du littoral. Ces forêts côtières, qui abritent une riche biodiversité et jouent un rôle clé dans le cycle du carbone, sont pourtant la cible de nombreuses pressions anthropiques et climatiques. Des études scientifiques sont entreprises pour mieux comprendre leurs modes d’établissement naturel et d’expansion.
Adrien Staquet, basé à Cayenne depuis 2023, travaille sur ces questions dans le cadre d’une thèse financée par le Programme Prioritaire de Recherche PPR océan & climat. Ses travaux doivent répondre au besoin d’améliorer les pratiques de plantation et de réhabilitation des mangroves dans le monde. Ils constituent une réponse concrète à la nécessité de trouver des solutions naturelles d’adaptation des populations face à des risques majeurs et déjà constatés d’érosion côtière.
Photo de couverture : Vue aérienne de la mangrove en Guyane française © Christophe PROISY/IRD/AMAP/CNRS Images
Des compétences pluridisciplinaires variées au service de l’écologie des forêts tropicales
Depuis longtemps passionné par la grande biodiversité des forêts tropicales, c’est en 2011 qu’Adrien Staquet quitte sa métropole lilloise natale. Il obtient un premier Master spécialisé en écologie des forêts tropicales à l’Université des Antilles et de la Guyane.
En 2015, il poursuit ses études par une formation professionnalisante à l’institut AgroParisTech, pour obtenir un master en management international spécialisé́ sur les liens « Forêt, nature et société́ ». C’est là qu’il apprendra la gestion de projet et le diagnostic systémique dans une approche transversale des problématiques.
Mais en 2020, la pandémie de Covid oblige Adrien à rentrer dans le nord de la France. Il se relance en suivant une nouvelle formation universitaire, cette fois-ci au sein de l’Université de Lille pour ajouter à son CV un nouveau master sur le « Fonctionnement et gestion des écosystèmes marins ».
Depuis début 2023, Adrien Staquet est de retour à Cayenne. Sur le campus de l’IRD Montabo, il poursuit ses travaux de recherche avec une thèse visant à mieux comprendre les conditions d’établissement des mangroves en Guyane française. Titulaire de plusieurs formations universitaires, le jeune chercheur y voit l’opportunité de mobiliser toutes ses compétences pluridisciplinaires en se plaçant à la croisée des chemins de l’écologie forestière, marine et des sciences sociales appliquées à l’environnement.
Le littoral guyanais, zone d’étude privilégiée pour comprendre le fonctionnement naturel des mangroves
Installée à l’interface terre-mer, la mangrove est un système forestier particulier, qui pousse et s’installe sur la vase. Les espèces arborées qui composent les forêts de mangrove sont nombreuses et variées, et regroupées sous le nom commun de palétuvier. La diversité de ces habitats forestiers de mangroves reflète par conséquent une diversité de fonctionnements écosystémiques.
En Guyane française, les mangroves sont soumises à des dynamiques côtières particulières. Elles sont influencées par des processus hydro-sédimentaires complexes, principalement entrainés par la dynamique de l’Amazone qui conduit à la formation de gigantesques bancs de vase propices au développement des mangroves. En amortissant l’énergie des houles qui arrivent sur les côtes, ces bancs de vase jouent un rôle crucial à la fois dans la stabilisation d’un littoral soumis à l’érosion, et dans le développement d’une biodiversité locale variée hébergée par les mangroves qu’ils abritent.
Si l’urbanisation et les pressions anthropiques sur le littoral guyanais exacerbent les risques pour ces forêts côtières essentielles, celles-ci sont aussi connues pour se renouveler aussi naturellement qu’elles peuvent disparaitre sous l’effet de ces mouvements de bancs de vase. Un phénomène unique au monde !
Les régions côtières de la Guyane française sont donc favorables pour tenter de caractériser en détail les mécanismes de colonisation naturelle des mangroves sur les côtes. Quels sont les processus hydro-sédimentaires qui favorisent l’établissement naturel des mangroves ? Existe-t-il des facteurs environnementaux déterminants de cet établissement, comme la hauteur de vase, la température ou la salinité de l’eau ? Et réciproquement, quels sont les modes d’expansion de la mangrove (en termes de rapidité ou de distribution spatiale par exemple) au regard de ces facteurs ? …
Répondre à ces questions doit permettre un meilleur pilotage des projets de restauration ou de réhabilitation des forêts de mangrove en Guyane française, et plus largement dans des zones du monde où elles sont menacées ou ont même parfois disparu.
Des méthodes innovantes pour suivre le développement de la mangrove
Pour mieux comprendre les interactions entre les facteurs écologiques et les dynamiques côtières en Guyane, Adrien Staquet applique des méthodes innovantes pour observer la formation des bancs de vase et collecte des données sur l’élévation des substrats vaseux.
Pour cela, il utilise des technologies avancées comme la télédétection par laser, les relevés spatiaux, ou encore les relevés photogrammétriques par drone pour suivre l’expansion des mangroves sur les bancs de vase récemment formés. Ces observations contribuent à identifier les facteurs environnementaux qui favorisent ou limitent le renouvellement de ces écosystèmes.
Sa thèse est financée pour 3 ans par le Programme Prioritaire de Recherche PPR Océan & Climat, dans le cadre de deux défis visant respectivement à l’amélioration de la protection et de la résilience des milieux marins et le développement de nouvelles approches intégratives de gestion, mais aussi à la prévision des impacts des phénomènes extrêmes liés au changement climatique en outre-mer pour guider les politiques territoriales.
Placée sous la direction de Christophe Proisy (UMR AMAP / IRD) et Antoine Gardel (UAR LEEISA / CNRS), cette thèse a pour objectif de fournir des outils et des indicateurs robustes aux gestionnaires des littoraux guyanais, et à plus long terme de renforcer les stratégies internationales de protection et de gestion durable des mangroves face aux défis posés par le changement climatique et l’érosion côtière.
3 Questions à Adrien Staquet
Pourquoi avoir voulu faire une thèse en sciences marines ?
La forêt de mangrove est au cœur d’énormément d’enjeux socio-écosystémiques par les services qu’elle rend. Jusqu’ici, j’ai pu monter en compétences durant mes études sur les thématiques de l’écologie des forêts tropicales, celle de l’écologie marine en abordant aussi ce volet des écosystèmes et de leurs enjeux socio-environnementaux. Cette thèse fait donc largement écho à mon parcours d’études et répond à mon souhait d’approfondir ce volet de ces enjeux socio-écosystémiques.
Qu’est-ce qui t’a donné envie quand tu as postulé à ce sujet de thèse ? Quelles étaient tes motivations ?
Sur le long terme, cette thèse doit participer à identifier les conditions requises pour l’implantation de la mangrove dans une zone, avec une approche très pluridisciplinaire. C’est donc une étape de recherche nécessaire pour apprendre à conduire efficacement un projet de restauration ou de réhabilitation de la mangrove dans des zones où la mangrove a malheureusement disparu. C’est donc très enthousiasmant pour moi d’y prendre part !
Comment imagines-tu ton futur après cette thèse ?
Je souhaite évidemment continuer à travailler dans le domaine de la recherche scientifique, en tant que postdoctorant, enseignant-chercheur ou ingénieur de recherche. Si une opportunité se présente, j’envisage aussi la possibilité de travailler en association pour continuer à agir sur les enjeux environnementaux et écologiques.
Référence : Staquet, Adrien : « Conditions climatiques, océaniques et sédimentaires du renouvellement naturel des mangroves en Guyane française pour une stratégie de protection adaptative du littoral », thèse 2022-2025
Contact : adrien.staquet@ird.fr