[Les coulisses de l’océanographie (1/12)]. Guillaume Massé, biologiste de formation, est directeur de la Station marine de Concarneau. Si ses fonctions le poussent aujourd’hui à délaisser le terrain, il revient avec joie sur ses années en tant que biologiste et nous parle des enjeux liés à ce métier.
Chaque mois, océans connectés part à la rencontre de celles et ceux qui font l’océanographie. Ils sont techniciens de laboratoire, topographes, ingénieurs, marins ou météorologues et sont tous essentiel au bon fonctionnement de la recherche marine. Pour ce premier épisode, on plonge dans le quotidien mouvementé de Guillaume Massé, biologiste de formation et directeur de la Station marine de Concarneau.
Textes et photo de couverture : Marion Durand
Telles des tableaux, chaque fenêtre de la Station marine de Concarneau offre une vue imprenable sur l’océan. La promesse d’une « science les pieds dans l’eau » est tenue par la plus vieille station au monde encore en activité. Plus de 150 ans après sa création, cette station, comme toutes les autres implantées dans l’Hexagone, reste aux avant-postes de la science des écosystèmes marins. À sa tête depuis le 1er décembre 2023, Guillaume Massé, chargé de recherches au CNRS et océanographe depuis plus de 25 ans. Avant de diriger la Station marine de Concarneau, le breton d’origine a gravi de nombreux échelons grâce à des opportunités, des rencontres et « d’heureux hasards », dit-il.
Biologiste de formation, Guillaume Massé s’est d’abord intéressé aux huîtres et aux microalgues qu’elles consomment. Il démarre sa carrière en tant que technicien de laboratoire au sein de l’Institut des substances et organismes de la mer (Isomer) à Nantes. Il traverse ensuite la Manche pour occuper un poste d’assistant de recherche avant de poursuivre un doctorat en biochimie. Il s’initie à la taxonomie des algues et obtient un poste de maître de conférences en chimie organique à l’Université de Plymouth, en Angleterre. En 2009, il est recruté par le CNRS comme paléo-océanographe et rejoint le LOCEAN (Laboratoire d’Océanographie et du Climat: Expérimentations et Approches Numériques) en 2019.
Aujourd’hui à la tête de la Station marine de Concarneau, Guillaume Massé encadre de nombreux biologistes, un poste qu’il a lui-même occupé lors de ses premières années de carrière et sur lequel il revient pour notre série dédiée aux métiers de l’océanographie.
Quelles sont les missions d’un biologiste ?
Guillaume Massé : « La biologie est une discipline qui se décline en un tas de métiers différents. On peut être technicien biologiste et travailler en appui des océanographes, c’est ce que j’ai fait au début de ma carrière. Le technicien réalise de nombreuses tâches comme des analyses, des prélèvements sur des organismes, il peut aussi aider à l’analyse des données récoltées. C’est un métier technique d’accompagnement à la recherche. Il y a aussi des ingénieurs biologistes qui réalisent des travaux à l’interface entre la technique et la recherche. Ils travaillent sur des domaines très pointus, contribuent aux expérimentations et développent des techniques pour en savoir plus sur les organismes. Le chercheur, lui, utilise le fruit de ces analyses et réfléchit à des grandes questions scientifiques. La biologie est un travail collaboratif entre le technicien, l’ingénieur et le chercheur. »
Où se situe le biologiste dans la chaîne océanographique ?
Guillaume Massé : « Les techniciens, ingénieurs, assistants ingénieurs sont extrêmement importants. Ce sont des personnels de soutien à la recherche, ils jouent un rôle capital dans la chaîne océanographique et sont essentiels à la recherche. Dans les sciences de la mer, tout le monde a une place et un rôle important à jouer. Tous ces métiers fonctionnent ensemble car on ne peut pas tout savoir ou être spécialiste dans tous les domaines. L’océan est un tout, un milieu complexe. Il est nécessaire d’explorer toutes les disciplines pour comprendre ce qu’il se passe biologiquement dans l’océan car tout est connecté. »
À quoi ressemble le quotidien d’un biologiste ?
Guillaume Massé : « Ça dépend de quel type de biologiste on parle. Mon quotidien à moi en tant que chercheur biologiste, avant que je prenne les fonctions de chef de station, était de passer du temps à réfléchir à des projets, des idées et à me poser des questions. Ensuite, on explore la littérature scientifique pour voir si ces questions ont déjà été traitées puis on cherche les moyens financiers pour répondre à ces questions, c’est une partie qui prend beaucoup de temps. Un chercheur biologiste doit ensuite faire appel à des étudiants et du personnel pour l’accompagner dans ce projet de recherche. Il faut donc former les techniciens, postdoctorants ou doctorants. Il y a aussi la partie « terrain » pour des échantillonnages et des prises de mesures. Le terrain, c’est un peu la madeleine de Proust, on adore avoir les pieds dans l’eau mais au fil du temps on peut de moins en moins le faire car on est accaparé par l’administratif, les rendus scientifiques ou l’écriture. Ce dernier point est essentiel, la rédaction d’articles est très importante car elle nous permet de partager ce que l’on apprend et ce que l’on découvre avec nos paires mais aussi avec la société. Le quotidien d’un chercheur biologiste ressemble à cela, c’est un partage du temps entre toutes ces activités diverses. »
Quels sont les enjeux actuels du métier de biologiste ?
Guillaume Massé : « Le partage des connaissances me semble primordial. Les citoyens ont une vision moins nette de ce qu’il se passe dans l’océan, la mer reste un sujet flou et c’est extrêmement important qu’on arrive, nous, à trouver des moyens pour communiquer sur notre travail, sur ce qu’on observe et sur les impacts des changements en cours. Je pense que c’est important que les chercheurs dédient une partie de leur temps d’activité à éduquer, former et informer le grand public et les jeunes générations. C’est pour ces raisons que j’ai accepté le poste de directeur, je voulais m’investir auprès du public. La Station marine de Concarneau, au cœur du milieu marin, nous permet de mettre en place des actions de médiation scientifique. Il est clair qu’on n’est pas seulement des chercheurs, nous sommes aussi des médiateurs, on doit donc apprendre à communiquer. »
Le mot de la fin ?
Guillaume Massé : « La biologie est une des disciplines qui attire le grand public. Les êtres vivants sont le point d’entrée vers l’océan. À la Station marine de Concarneau, on a pris le parti de montrer dans nos aquariums seulement les organismes qui vivent autour de nous. Le Marinarium est le reflet de ce qu’il se passe au sein du laboratoire. On ne fait pas venir d’animaux exotiques, on a des espèces locales suffisamment belles, diverses et colorées. En montrant cette faune et cette flore sous-marine, on espère émerveiller les visiteurs pour qu’ils aient envie de les protéger. »