En Antarctique, la fonte des glaciers active la vie marine

22/10/2025

10 minutes

océans et climat

L’Antarctique est souvent perçu comme une étendue glacée figée et isolée. Pourtant, ses eaux côtières abritent des écosystèmes biologiques particulièrement sensibles, où chaque variation des paramètres physiques ou chimiques peut entraîner des réponses écologiques rapides. Identifier les forces qui redéfinissent ces équilibres est une priorité scientifique.

par Laurie Henry

L’océan côtier de la péninsule Antarctique occidentale joue un rôle central dans le fonctionnement écologique de la région polaire. Si elle est l’une des plus productives de l’Antarctique, elle est également l’une des plus touchées par le réchauffement climatique. La hausse rapide des températures y provoque une fonte accélérée des glaciers, ce qui modifie la mise à disposition de la lumière et des nutriments au sein des différentes couches océaniques.

Une étude, menée par le Jet Propulsion Laboratory (Caltech) et un collectif de chercheurs issus notamment du British Antarctic Survey, met en évidence le rôle désormais prépondérant de l’eau de fonte glaciaire dans le développement du phytoplancton. Une dynamique qui remet en question la place centrale historiquement accordée à la banquise dans le contrôle de la production biologique antarctique.

Une fonte glaciaire influençant progressivement les écosystèmes côtiers

Le réchauffement rapide de la péninsule Antarctique occidentale, de plus de 3,7 °C au cours de ce XXe siècle contre 0,6 °C pour la moyenne mondiale, provoque une fonte massive des glaciers. Cette fonte libère une quantité croissante d’eau douce dans les zones océaniques côtières appelées sGMW (pour sea surface glacial meltwater). Bien que leur rôle ait longtemps été considéré secondaire, les récents travaux démontrent aujourd’hui que ces eaux douces côtièresjouent un rôle fondamental dans la structuration des écosystèmes marins.

Les glaciers de la région Antarctique occidentale se présentent majoritairement sous forme de fronts marins. Leur fonte se fait en surface mais aussi par décharges subglaciaires et sous-marines. Les apports d’eau douce varient fortement selon la morphologie glaciaire, influençant localement la composition chimique et la structure physique de l’eau. Dans certaines zones, la fraction des eaux de type sGMW peut dépasser 5 % en surface en été, un niveau suffisant pour modifier la salinité, la densité de l’eau et les échanges verticaux.

Cette eau douce n’est pas neutre puisqu’elle transporte du fer, du manganèse, des silicates et d’autres éléments essentiels à la croissance du phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine. Dans la baie d’Andvordpar exemple, des concentrations de fer dissous allant jusqu’à 13 nanomoles par litre ont été observées en automne, des quantités suffisantes pour stimuler activement la croissance du phytoplancton dans des eaux habituellement pauvres en nutriments.

Les eaux de type sGMW influencent aussi la dynamique physique des couches océaniques, favorisant la stratification, limitant le mélange vertical et entrainant une concentration de la biomasse près de la surface où la lumière est disponible. À l’échelle régionale, cette transformation des propriétés du milieu marin impose de reconsidérer le rôle des eaux de type sGMW comme moteur de productivité dans les environnements polaires côtiers.

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