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Le zooplancton, petit par la taille mais grand par son rôle dans l’océan

Le plancton est essentiel à notre survie. Il est à la base de toutes les chaines alimentaires océaniques, et indispensable notamment à la présence des poissons dont nous nous nourrissons. Mais le réchauffement climatique et l’exploitation humaine détériorent les populations. Comment savoir l’état des stocks et évaluer l’impact des pressions qui s’exercent sur lui ? Une équipe internationale de scientifiques, menée par le Laboratoire d’Océanographie de Villefranche sur Mer (LOV, Sorbonne Université/CNRS) a rassemblé, pour la première fois, un immense jeu de données sur le zooplancton acquis par des caméras sous-marines à l’échelle mondiale.

Le plancton se divise en deux éléments : le phytoplancton, l’équivalent de l’herbe et des arbres sur terre, et le zooplancton, constitué de larves, mollusques, poissons, et crustacés. Des organismes menacés par l’activité humaine car surexploités pour l’industrie pharmaceutique, pour la production de farines animales, pour l’aquaculture ou pour l’élevage.

Le zooplancton soutient en grande partie la pompe à carbone de l’océan, c’est-à-dire l’équilibre entre les zones productrices naturelles de carbone et les zones qui l’absorbent, les « puits de carbone ». Dans ce contexte, il est donc utile de comprendre où se situe la biomasse (la quantité) de zooplancton, comment elle se répartit et appréhender au mieux son évolution avec le changement climatique.

Les systèmes de surveillance actuels ne permettent pourtant que des analyses de population à la surface au niveau mondial, ou bien dans les profondeurs mais au niveau local. C’est pourquoi la production de données permettant une vue d’ensemble de la population de plancton en profondeur et au niveau mondiale est essentielle.

Une coopération internationale au service du plancton

Un groupe de recherche du LOV a mis au point et commercialisé une caméra numérique sous-marine in situ, la « Underwater Vision Profiler 5 ou UVP5 ». Cette technologie a été utilisée par de nombreux laboratoires à travers le monde, entre 2008 et 2019, ce qui a permis de constituer un jeu de données conséquent sur plus de 3500 sites.
Ce système d’imagerie est conçu pour détecter, mesurer et quantifier la distribution des organismes du zooplancton et des particules marines d’un diamètre compris entre 1 et 50 mm. Ce sont des algorithmes de reconnaissance, utilisant l’intelligence artificielle qui permettent de trier et d’identifier les espèces présentes dans les images. Ici ce n’est pas moins de 466 872 organismes qui ont été ainsi classés, à partir de millions d’images !
Par la suite, les auteurs se sont appuyés sur les connaissances qu’ils ont de ces espèces et de la biomasse en carbone qu’ils émettent, afin de prédire globalement les biomasses (la quantité réelle) des catégories de plancton.

Des résultats prometteurs

La présente étude, effectuée dans le cadre de la thèse en cours de Laetitia Drago du LOV, avait pour objectif de modéliser ainsi la composition et la biomasse océanique du zooplancton.

Les résultats révèlent des valeurs maximales de biomasse de zooplancton autour de 60°N et 55°S, soit dans les zones productives tempérées et polaires ainsi que des valeurs minimales autour des gyres océaniques (courant marins tourbillonnants). Une augmentation de la biomasse de zooplancton est également prévue pour les zones équatoriales. La biomasse globale intégrée (0-500 m) a été estimée à 0,403 Gigatonne de Carbone, équivalente à celle de tous les poissons dans l’océan !

Plus précisément, elle était largement dominée en premier lieu par Copepoda, avec 35,7%, principalement dans les régions polaires. Les copépodes sont un groupe de petits crustacés, libres et parasites (externe ou interne d’organismes variés), vivant dans l’eau de mer et dans presque tous les habitats d’eau douce. En mer, ils forment la base du plancton et la nourriture des poissons. Ils sont suivis par Eumalacostraca (26,6%), une sous classe de crustacés, puis Rhizaria (16,4%, principalement dans la zone de convergence intertropicale). Ces derniers sont des organismes unicellulaires doté d’un noyau.

Ces estimations de biomasse ont été associées aux conditions environnementales (température, salinité, nutriments et oxygène…) pour construire des modèles d’habitat, c’est-à-dire la distribution spatiale des organismes en fonction ces conditions environnementales. Elles permettront d’appréhender de futures mesures de préservation en termes de pêche durable mais aussi de prochaines études sur ces groupes, notamment les fragiles Rhizaria, qui sont relativement peu étudiés.

Finalement, la prochaine étape pour les équipes du LOV sera d’équiper les flotteurs autonomes des laboratoires de recherches de ces caméras sous-marines, afin d’obtenir des données dans les régions qui ne sont que très rarement visitées par des bateaux d’expédition. Ce futur déploiement international fera partie du programme biogeochemical/ARGO supporté par les Nations Unies, pour le développement d’un réseau mondial de capteurs biogéochimiques sur les flotteurs profileurs Argo.

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Déploiement des flotteurs profileurs Argo. ©Ifremer – Olivier DUGORNAY

En effet, la tendance actuelle est d’ajouter une représentation plus réaliste du plancton dans les modèles d’écosystèmes afin de mieux prédire les futurs états des écosystèmes et les conditions océaniques, et d’éclairer les stratégies de gestion durable pour l’atténuation du changement climatique à l’échelle mondiale.